lightness
25 septembre 2006
  « Légèreté. »
Sommaire.

00 Préambule.
001 Définition.
002 La légèreté dans l’architecture.
0021 Utopies architecturales.
0022 À propos de R. Bukminster Füller.
0023 Des architectes plus récents.
003 La légèreté dans les mathématiques.
004 La légèreté dans le design.
0041 Arts & Crafts.
0042 À propos de Marcel Breuer.
0043 À propos de Alvar Aalto.
01 Introduction.
1 « Poids plume ».
11 La légèreté dans la nature.
111 Biomimétisme.
112 Théorie constructale.
12 La légèreté des matériaux.
121 Aéronautique.
1211 Les matériaux hybrides.
1212 Structures en nid d’abeille.
1213 Le Glare.
1214 Les CMM.
122 Les alliages métalliques.
123 Aérogel, superléger.
124 Aluminium.
1241 Airstream, la caravane américaine.
125 Nano, l’échelle de l’atome.
1251 Applications.
1252 Utopies.
1253 Craintes.
2 « Aspect léger, forme légère. »
21 Aspect léger.
211 Design.
212 Architecture et industrie.
2121 Révolution industrielle et conséquences.
2122 De 1940 à nos jours.
22 Forme légère.
3 « L‘esthétique du trombone. »
31 Transfert de technologie.
311 Masayo Ave.
312 Droog design & Marcel Wanders.
313 Transfert, une attitude propre au designer ?
32 Interventions malignes (avec les
moyens du bord).
33 Intervention poétique.
4 les limites de la légèreté.
Bibliographie.
Interview.
Webographie.
Remerciements.

00 Préambule.
001 Définition.

Il existe de nombreuses déf initions au mot légèreté.
Principalement, on utilise cette notion pour définir ce qui a peu de
poids par rapport à un ensemble d’objets de poids comparables,
ou encore ce qui se déplace ou peut être déplacé facilement.
Mais la langue française regorge d’expressions autour de
la légèreté. Elles peuvent définir ce qui a peu de force ou d’intensité
(notamment en ce qui concerne les 5 sens et les textures comme
une moutarde légère par exemple), ce qui est peu épais comme
la consistance d’une étoffe de soie, ce qui donne une impression
de mouvement, de souplesse ou de délicatesse (synonyme :
agilité, aisance), ou encore ce dont la nature donne une impression
de souplesse, de grâce, d’élan et de fluidité (à propos d’un inanimé,
comme un nuage par exemple). Il existe aussi d’autres expressions
à propos d’une personne qui illustrent un manque de sérieux,
de valeurs intellectuelles, un défaut d’attention ou un manque
de prudence ; on peut même parfois parler de ce qui est libertin :
« avoir des moeurs légères ».
Dans les différents domaines de créations dont nous allons
parler, la notion de légèreté a des traductions formelles et
sémantiques parfois divergentes.
Petite mise en bouche historique…

002 La légèreté dans l’architecture.

À travers les siècles et les styles, la recherche de la légèreté
a toujours tendu vers des solutions à la fois techniques et
esthétiques qui ont bouleversé la manière de construire.
La notion de structure est d’abord liée à l’idée des lois de la nature
permanentes et stables auxquelles il s’agit de se conformer.
Le contenu de ces lois a considérablement varié de la Renaissance
à nos jours en même temps que les techniques de constructions
se modifiaient.
Du xvie au xviiie siècle, les édifices, qu‘ils soient de pierre ou
de brique, sont le plus souvent construits de manière massive ;
leurs murs et leurs planchers sont surdimensionnés, si bien que
leur poids propre l’emporte sur les autres types de charges qu’ils
ont à supporter. Pour concevoir un ouvrage, les ingénieurs et
architectes de l’époque raisonnent en termes de proportions
entre les différentes parties dont ils se composent.
Au plein-cintre roman succède un mode de couverture beaucoup
plus léger, permettant de donner une plus grande hauteur
aux édifices et de percer plus largement les murs pour faire
entrer la lumière. Marqué par des performances de plus en
plus spectaculaires, le temps des cathédrales gothiques peut
alors s’ouvrir. Cette logique de la performance a impliqué des
solutions formelles plus audacieuses. Il en résulte de véritables
dentelles minérales qui offrent une vision complexe et légère
de l’aspect de l’architecture religieuse. Dans les cathédrales
des xiie et xiiie siècles, la construction se donne à voir au même
titre que le décor sculpté dont s’ornent les façades. Le travail sur
la lumière apportée par les vitraux relève de cette même virtuosité,
et par cet agencement de plaques de verres colorés maintenus
par des fils de plomb, le motif cinématique ainsi que la lumière
vient transcender l’aspect phénoménologique de la légèreté.
Dans ce contexte, les règles de dimensionnement correspondent
à une exigence de confort visuel et d’harmonie géométrique.
Tandis que l’art roman aimait le symbolisme des nombres qui
renvoyait directement au message biblique et ses interprétations,
les bâtisseurs gothiques rêvèrent avant tout à la géométrie.
Mais leur géométrie, différente en cela de celle de Vitruve qui
reposait avant tout sur des rapports dimensionnels entre le tout
et les parties, possède un côté beaucoup plus appliqué. C’est
une géométrie de la règle et du compas qui enseigne comment
coordonner le plan et l’élévation de l’édifice, mais aussi
comment définir les gabarits des pierres qui doivent permettre
sa réalisation. Outil de conception, la géométrie représente
également un moyen de communication entre maîtres d’oeuvre,
tailleurs de pierre et appareilleurs.
En effet, l’équilibre structurel, formel et transcendantal issu
de réflexions conceptuelles permet d’assurer la dimension
phénoménologique, événementielle et spirituelle de l’espace
liturgique. En cela, les textes de l’abbé Suger pour la basilique
de St Denis rédigés au début du xiie siècle sont emblématiques
des évolutions formelles que nous pouvons observer entre
l’art roman et gothique. Les enjeux ainsi définis imposent
alors la recherche d’un équilibre entre les systèmes
de représentations, les modèles mathématiques, le plan,
l’élévation et la construction. Cette évolution conceptuelle
et formelle importante aura une incidence majeure sur les
techniques de construction, on voit alors ainsi l’apparition
du gabarit et des premiers procédés de standardisations.
Nous verrons plus tardivement que ces postulats seront
dénaturés par une lecture littérale qui sera véhiculée dans
le mouvement néo-gothique au xixe siècle, essentiellement
marqué par les interprétations formelles ef fectuées
en particulier par Viollet Le Duc. Ainsi il nous est aujourd’hui
plus aisé de distinguer les enjeux conceptuels et structurels
de l’architecture gothique, de sa représentation formelle et
de son esthétisation néo-gothique.
C’est à la Renaissance, et plus particulièrement au Quatrocento
en Italie, qu’une transformation profonde de la représentation
du monde va faire émerger une pensée mécaniste illustrée
en particulier alors par le développement de la Camera Obscura.
Celle-ci va avoir une influence directe sur la peinture avec
la perceptive et sur l’architecture avec le projet « manifeste »
de Brunelleschi pour le Duomo à Florence. Pour cette réalisation,
l’architecte résout les contraintes de charges de la coupole
(jusqu’alors non solutionnées) par la mise en place d’un dispositif
constructif léger conçu comme une structure « sandwich »
dont la partie extérieure n’avait plus qu’à recevoir les éléments
de couverture : les tuiles.
Cette profonde mutation de la représentation du monde qui
va initier entre autre une évolution des techniques importante
peut être observer dans des domaines autres que l’architecture.
En particulier, les travaux menés par Léonard De Vinci ont
une dimension universelle à la fois dans la peinture avec
le sfumato, dans l’ingénierie avec la conception de systèmes
hydrauliques complexes, mais aussi à travers ses recherches
illustrées dans ses carnets qui sont le reflet d’une observation
continue, intense et précise de la nature et qui lui ont permis de
développer des « prototypes » de machines volantes.
Nous aurions pu illustrer cette évolution avec de nombreux
exemples, toutefois nous avons préféré retenir les travaux
de Brunelleschi et Léonard De Vinci pour leurs dimensions




Brunelleschi
« Duomo de Florence »
Italie.

emblématiques et parce qu’ils illustrent le processus
« irréversible » amorcé dès la Renaissance où les modèles mathématiques,
les sciences, les techniques, la philosophie développent
de nouvelles représentations et de mesures du monde qui
échapperont progressivement à la seule autorité religieuse.
Cette révolution imposera implicitement ou explicitement
le développement de solutions techniques où la recherche
de légèreté sera omniprésente.
À la charnière des xviiie et xixe siècles, cette conception
mécaniste va évoluer profondément vers une transformation des
connaissances techniques mais aussi de la « juste proportion »
des ouvrages qui vont influer sur la perception des ouvrages
d’art et des bâtiments.
Au cours du xviiie siècle, l’usage du calcul infinitésimal se répand
dans les milieux scientifiques en ébranlant du même coup
la toute puissance de la géométrie. L’analyse va progressivement
devenir l’instrument par excellence du calcul des structures.
L’une de ses premières applications est due l’ingénieur militaire
et physicien Charles Augustin Coulomb qui révolutionne le calcul
des voûtes et élabore une théorie sur la résistance des matériaux
dans un essai soumis en 1773 à l’Académie des Sciences.
Bien que des théories comme celle de Coulomb rencontrent peu
d’écho parmi les praticiens, ces derniers pressentent confusément
qu’une page de l’histoire de la conception des structures
est sur le point d’être tournée.
Les concepts de force de l’effort, les modalités d’équilibre et de
transmission de ces forces et de ces efforts, vont se substituer
aux considérations géométriques traditionnelles. Tout le problème
va consister à canaliser les efforts auxquels se trouvent soumises
les constructions, des efforts qui ne sont plus seulement
liés à leur propre masse, mais aussi aux contraintes
d’usage, au vent et à bien d’autres paramètres physiques.

Ces recherches vont avoir une influence déterminante sur
les formes et les principes structurels. Les structures porteuses
vont être allégées et la notion d’économie de matière va être
introduite dans la conception des projets.
Dès la première moitié du xixe siècle, les ingénieurs développent
de nouvelles formules sur la résistance des matériaux.
Née dans les années 1820-1830 des efforts conjugués de savants
et d’ingénieurs comme Navier, Cauchy, Poisson ou Lamé, la théorie
de l’élasticité permet de dimensionner les structures sans
véritable dialogue avec la conception architecturale. Certes,
le développement du calcul analytique permet de modéliser
les phénomènes physiques avec une précision que ne
possédaient pas les calculs du xviiie siècle ; la science se réfère
à des modèles d’intelligibilité qui ont peu de chose à voir avec
les entités que manipulent les architectes. La construction
constitue simplement l’un des terrains d’application de la
résistance des matériaux et de la théorie mathématique de
l’élasticité sur laquelle elle repose en grande partie. L’équilibre
des formes classiques se trouve alors confronté aux contraintes
de la performance technique. L’architecture s’inscrit donc dans
une nouvelle complexité. La massivité des appareillages fait place
à une recherche d’équilibre et de stabilité. Ces recherches
illustrent les prémices des bouleversements qui vont s’opérer
avec la Révolution Industrielle dans la seconde moitié du xixe
siècle avec le développement de mode de production standardisé,
mécanisé et rationalisé, en particulier dans le domaine de l’acier
et du verre.
Le Cr ystal Palace réalisé par Joseph Paxton en 1851
à l’occasion de la première Exposition Universelle à Londres est
emblématique de cette révolution. Le projet de Paxton répond par
ces proportions, ses charpentes métalliques, ses murs de verre
et son temps de réalisation a un savoir faire industriel et non
plus artisanal. Les structures légères viennent ici répondre
aux contraintes de temps et elles symbolisent l’émergence
de nouvelles typologies architecturales. Le Crystal Palace
est la première « cathédrale » de verre tout en présentant
une autre innovation qui marquera profondément l’architecture
moderne : le mur rideau. Devant le succès rencontré par cette
exposition, les pays industrialisés vont organiser régulièrement
des expositions internationales qui seront le prétexte
à présenter les innovations dans le domaine architectural,
mais aussi dans l’ingénierie, le mobilier, etc. L’influence du Crystal
Palace et sa légèreté structurelle va être majeure dans le champs
de l’architecture telle que la Galerie des machines de l’exposition
universelle de Paris en 1889 conçue par l’architecte Ferdinand
Dutert et l’ingénieur Victor Contamin, elle établit un record avec
ses 420 mètres de longueur, ses 115 mètres de largeur pour
un peu plus de 43 mètres de haut. Mais l’empreinte du Crystal
Palace se retrouve aussi dans la réalisation de grands ouvrages
d’art, en particulier dans la réalisation du chemin de fer et
la nécessité de réaliser des ponts, des viaducs où les structures en
treillis métalliques vont permettre la création de franchissement
de grandes portées. Le pont sur le Forth près d’Edimbourg
en Ecosse construit entre 1882 et 1890 par Sir William Arrol,
Sir Benjamin Baker et Sir John Fowler représentent une avancée
technique importante avec sa structure à poutres cantilever.
À la même époque (1869-1883), la construction du pont
de Brooklin à New York inaugure une autre solution technique
pour franchir des grandes portées (ici, une portée principale
de 487 mètres) grâce à un système de pont suspendu avec
des haubans.







1| Galerie des Machines, 1889
2| Pont sur le Forth, 1890
3| Joseph Paxton, « Crystal Palace », 1851

Ces architectures et architectures d’ingénieurs sont
caractérisées par leurs légèretés, leurs mobilités, mais aussi
le caractère temporaire qu’elles revêtent parfois au moyen
de leurs démontabilités. Ce dernier aspect est essentiel
car il amorce une nouvelle perception de l’architecture liée
à sa légèreté, celle de l’impermanence opposée à la permanence
patrimoniale classique.
Les expérimentations vont se poursuivre avec les différents
mouvements d’avant garde qui vont marquer le début
du xxe siècle avec les Constructivistes Russes (monument
de la iiie Internationale et le « Letatlin » de Vladimir Tatlin,
les villes volantes de Krutikov, etc.), mais aussi au travers
des écrits de Antonio Sant’Elia et Filippo Marinetti qui constatent
de façon prémonitoire en 1914 dans le manifeste suivant :
« Nous avons enrichi notre sensibilitépar un goût du léger,
du pratique, de l’éphémère et du rapide. Nous sentons que
nous ne sommes plus les hommes des cathédrales,
des palais, des salles de réunions ; nous sommes
les hommes des grands hôtels, des gares, des routes immenses,
des ports gigantesques, des marchés couverts, des galeries
brillamment éclairées, des autoroutes, des chantiers
de démolition et de reconstruction. »
Mais c’est sur tout avec la création du Bauhaus que
l’ensemble des recherches se trouve synthétisé dans
des applications pratiques. L’industrie et la création
se rencontrent alors et favorisent le développement de
nouvelles typologies dans l’architecture et le mobilier.
La standardisation et la rationalisation de la production
vont permettre le développement de nouveaux principes
de construction tel que le poteau-poutre qui offrent à l’architecture
les moyens de se débarrasser des motifs historicisants.





1| Krutikov « Ville volante »,1928
2| Vladimir Tatlin « iiie Internationale », 1919
3| Vladimir Tatlin « Letatlin », 1932

Notons qu’il existe un antécédent avec le texte de l’architecte
théoricien viennois Adolf Loos, « Ornements et crimes »,
en 1908, pour qui « l’absence d’ornements est un signe de force
intellectuelle. »
L’ensemble des principes articulés par les acteurs du mouvement
moderne tel que la pureté géométrique, la clarté et la lumière,
l’optimisation de l’espace vont influencer de façon déterminante
les formes et les structures.
Dans un second temps, après la Seconde Guerre Mondiale,
l’ensemble de ces principes vont se trouver dogmatiser à travers
la généralisation des critères suivants : un toit terrasse,
une façade lisse, une forme géométrique asymétrique, le pilotis,
une couleur neutre (gamme de blanc, beige, gris ou noir) et
un plateau ouvert « open space ». L’ensemble de ces éléments
trouvent leur origine dans le projet emblématique de Walter
Gropius avec la réalisation de l’école du Bauhaus de Dessau
en 1926. L’école du Bauhaus cesse son activité en 1933 peu
de temps après l’arrivée au pouvoir des Nazis qui jugent
l’esprit de la formation comme « anti-germanique » et
« dégénérée ». La plupart des acteurs du Bauhaus s’expatrient
aux Etats-Unis ainsi qu’en Israël. Les réalisations de Mies Van
Der Rohe comme la « Farnsworth House » et de Philip Johnson
avec la « Glass House » restent emblématiques de cette époque.
La transparence, le champ laissé libre par le décloisonnement
des pièces de la maison et la rigueur de l’architecture traduisent
une volonté de changement des modes de vie. Ici, la légèreté
est présente en termes d’espace, de transparence et de rigueur
de la proportion.

0021 UTOPIES ARCHITECTURALES.

Dans les années 60, stimulé par la rupture effectuée par
le Team 10 au CIAM (Congrès International d’Architecture
Moderne) de 1956 à Dubrovnik, vont émerger un ensemble
de prospectives radicales tels que l’Architettura radicale et
le design radicale en Italie, les Métabolistes au japon, le groupe
Archigram (anagramme d’ARCHI-tecture et de téléGRAM) formé
par les architectes David Greene, Warren Chalk, Peter Cook, Mike
Webb, Ron Herron et Dennis Crompton qui vont remettre en cause
les principes constructifs et fonctionnalistes de l’architecture
moderne. Les travaux d’Archigram sont publiés dans une revue Pop
dont « l’imagerie » est alors étroitement liée à la pensée critique
de Lawrence Alloway magistralement illustrée par l’oeuvre
emblématique de l’artiste britannique Richard Hamilton intitulée
« Just what is it makes today’s homes so dif ferent, so
appealing ? » en 1956 qui pose alors non sans ironie la question
de notre environnement domestique. La revue Archigram allie
l’univers de la bande dessinée de la science-fiction, du comics
book et celui de l’architecture. La première parution du magazine
« Archigram » fut une contestation face à la société anglaise
et occidentale de l’époque. Elle remet en question de façon
radicale les a priori et les stéréotypes de la société. Mais au-delà,
c’est une véritable provocation menée à l’encontre des pratiques
architecturales contemporaines.
Les différentes propositions du collectif vont évoluer au gré des
parutions du magazine qui représente la vitrine de leurs théories
alors accessibles au plus grand nombre.
Le premier projet utopique imaginé en 1961 par David Greene
s’intitule « Spray Plastic House ». Celui-ci interroge la problématique
de l’habitat individuel en questionnant son aspect formel :
« Pourquoi les hommes préhistoriques n’habitaient-ils pas
des cavernes rectangulaires ? Pourquoi les lapins ne creusent-ils
pas des terriers rectangulaires ? ».
La proposition bouscule les codes de construction, il s’agit
de faire participer les futurs occupants à l’élaboration et
à la construction de manière active de la maison de plain-pied.
Le projet de David Greene renverse ici les procédés constructifs
traditionnels, aussi dans ce projet, à l’image de l’architecture
cryptique, la « Spray plastic house » est réalisée par soustraction
de matière et non par addition de matériaux.
L’élaboration de cet habitat se déroule en trois phases.
Tout d’abord, on dispose un bloc de polystyrène expansé
de grande dimension sur le site. Avec les outils adéquats,
les parents et les enfants creusent ce bloc pour en faire émerger
les différents espaces de vie de la maison, sous la surveillance
de l’architecte.
Ensuite, une équipe de spécialistes vient pulvériser du plastique
et de la fibre de verre afin de « fixer » les différents espaces,
de définir les surfaces opaques des surfaces transparentes,
le tout en adéquation avec les désirs des clients (ce qui n’est pas
sans rappeler l’architecture participative de Lucien Kroll
à Bruxelles). Puis le reste du bloc est dissous, il ne reste donc
plus qu’une coque semi-rigide.
Enfin, la dernière phase du chantier est consacrée au second
oeuvre ainsi qu’aux flux : zones d’éclairage, murs, chauffage
au sol, plomberie et système électrique.
Les projets d’Archigram qui vont suivre seront développés
à l’échelle urbaine pour interroger dans une dimension critique
les phénomènes de métropolisation de nos villes contemporaines.
Les villes mobiles de « Walking city » et la radicalisation





David Greene
« Spray Plastic House »,
1961

de l’entité individuelle dans la ville avec les capsules d’habitations
autonomes dans le projet « Living pod » ne sont pas sans rappeler
les projets des constructivistes russes (comme les villes volantes
de Krutikov). Ces projets remettent en cause fondamentalement
les organisations urbaines en proposant une logique articulée
sur la flexibilité et la mobilité. Ces deux notions qui font appel
à des structures légères doivent offrir aux individus les éléments
de leur émancipation.
À la même époque, l’architecte autrichien Haus Rucker Co
va expérimenter la dimension sensible et relationnelle
de l’espace architecturale en élaborant des projets qui
se trouvent à la limite entre une expression plastique
conceptuelle et des projets architecturaux audacieux.
En 1968, Haus Rucker Co travaille sur une capsule pneumatique
appelée « Yellow Heart ». L’idée principale était de travailler
sur une expérience de l’espace restreint quasi placentaire.
La capsule est constituée d’une double bulle de PVC gonflable
qui est séparée du monde environnant par un sas étanche.
Cette capsule permet d’accueillir deux personnes allongées,
elle est montée sur une structure métallique qui maintient
la bulle en lévitation au-dessus du sol.
Haus Rucker Co propose une expérience sensorielle unique
car tous les compartiments d’air communiquent entre eux
ce qui permet des transferts de flux d’air favorisant une architecture
souple et « vivante ». En effet, lorsqu’une personne
entre dans cette capsule, elle fait circuler l’air entre les différents
compartiments de la structure créant ainsi des pulsations
« organiques ». Celle-ci paraît vivante lorsqu’elle est occupée.
C’est une membrane légère et réactive.

En 1971, il réalise une couverture gonflable pour le Museum Haus
Lange à Krefeld (Autriche). Il intervient sur la « Lange house »
réalisée en 1921 par Mies van der Rohe, en venant littéralement
la « mettre sous cloche » par une structure gonf lable.
La couverture étant d’un blanc laiteux, il en résulte une ambiance
lumineuse tout à fait étrange à l’intérieur. Les ombres sont
diffuses, les plantes du jardin couvert réagissent différemment
à ce nouvel environnement, et les proportions mêmes du bâtiment
sont changées par ce nouveau dispositif, la façade paraît
s’aplatir, coupée de toute référence de point de fuite extérieur.
Le travail de Haus Rucker Co s‘articule autour des sensations
perçues et de la perception du « spectateur-utilisateur ».
Ici la perspective et l’espace rationnel cartésien disparaissent,
dissous par un dispositif qui permet de les absorber.
L’appropriation et la mutation de l’espace moderne avec une
structure légère viennent ici renforcer les théories de Gottfried
Semper et de la théorie des trois peaux : peau humaine /
le vêtement (textile) / l’architecture.
Nous pouvons par ailleurs souligner que l’ironie et la critique
de Haus Rucker Co servent aussi à la muséification du musée,
à sa neutralisation.
Plus près de nous, pour un ingénieur ou un architecte contemporain,
concevoir une structure c’est imaginer un système de transmission
des ef forts ; c’est déterminer les conditions d’équilibre
de ce système et en exprimer visuellement les caractéristiques.
Deux types de références peuvent le guider dans cette tâche :
le monde organique d’un côté, l’univers de la machine
de l’autre.
De nombreux concepteurs de structures s’inspirent du monde
organique. Cette inspiration peut prendre des formes très
différentes. Elle est surtout plastique chez Santiago Calatrava
dont les ossatures généreuses font penser à des squelettes
monumentaux. Elle est plus raisonnée chez Frei Otto, pour qui
le vivant constitue une référence permanente, même s’il prend
le soin de se démarquer des partisans d’une imitation trop littérale
de la nature. « L’idée largement répandue que tous les objets
de la nature vivante sont optimaux est une demi-vérité qui a fait
beaucoup de mal. La tendance à considérer la nature comme
une invention technique dont on attend seulement des réponses
toutes prêtes a conduit à une impasse. »*
*F. Otto , « Architecture et bionique Constructions naturelles »,
traduction française Denges, Ed. Delta & Spes, 1985, p.8
, écrit-il dans son livre.
Cela ne l’empêche pas de multiplier les parallèles entre l’architecture
complexe des corps organiques et les créations de l’homme.
Mais ce qui lui semble le plus admirable, c’est l’économie rigoureuse
du processus qui donne naissance à cette architecture
du vivant. Par l’intermédiaire de la référence naturelle s’introduit
une idée constitutive de la pensée structurelle moderne :
celle du lien nécessaire entre forme et technique de construction.
L’économie de matière de l’objet achevé doit s’enraciner dans
une économie des moyens qui servent à la réaliser.
L’univers de la machine constitue une autre source d’inspiration
pour les concepteurs de structures. Comme le regard porté sur
le vivant, la référence de l’univers de la machine peut fonctionner
de bien des manières ; elle peut être simplement plastique
comme chez de nombreux partisans actuels du « high-tech »
ou participer d’une vision beaucoup plus large comme pour
Buckminster Füller ou Jean Prouvé. Chez Buckminster Füller
par exemple, les maisons rationnelles ou les dômes géodésiques






1| « Dymaxion House », 1939
2| « Füller’s Home », 1965
3| « Flying Houses », 1959,
abris ultraléger pour hélicoptère, conçut pour l’US Navy.

ne sont pas que des applications particulières du pouvoir
du créateur acquis par l’homme à l’ère industrielle.
Dans un ordre d’idées assez voisin, Prouvé écrit : « Un bâtiment
est un objet à construire comme un autre ; il est seulement plus
grand (…) Pourquoi alors ne pas le considérer comme un article
totalement élaboré, fabriqué et mis en vente par d’importantes
industries qui sont à créer ? ».*
*Jean Prouvé, Une architecture par l’industrie, édité par B. Hubert et
J.-C. Steinegger, Zurich, Ed. d’Architecture Artemis, 197 1, p.24

Derrière la question des rapports entre bâtiment et industrie se profile
toujours la même interrogation sur les liens entre l’objet achevé et le processus qui
lui donne naissance. La structure doit dans la mesure du
possible exprimer ce processus au lieu de venir simplement le
clore. En cela, l’architecture de Prouvé et de Füller tout comme
l’architecture « high-tech » révèlent d’un certain expressionnisme
des structures, celles-ci deviennent emblématique du projet.

0022 À propos de R. Buckminster Füller.

Alors qu’il ser vait dans l’U.S. Navy pendant la première
Guerre Mondiale, Fuller prit connaissance des procédés
constructifs utilisés dans l’architecture navale et aéronautique.
[Notons qu’aujourd’hui encore, ces deux domaines sont
des références omniprésentes dans la conception
architecturale en particulier avec le développement de logiciels
de modélisation tel que CATIA]
Il fut à la fois le témoin et l’acteur du développement croissant
de la recherche dédiée à l’effort de guerre. Cette expérience lui
a permis de concentrer ses propres recherches sur les ressources
scientifiques et économiques et sur le design d’environnement
humain.
On peut obser ver une certaine continuité dans le travail
de Buckminster Füller depuis la prospective qu’il a mené avec
le projet de la Dymaxion House jusqu’au dôme pour le magnat
de l’industrie Henry J. Kaiser, ou le gigantesque dôme pour
l’Union Tank Car Compagny à Baton Rouge, ou encore pour
sa propre maison « Home Dome » à South Forest. La recherche
scientifique, espérait-il, pouvait s’appliquer au design du
logement, ce faisant, l’architecture pouvait devenir une tentative
calculée semblable à la fabrication d’un bateau ou d’un avion.
Avec la maison expérimentée à Wichita, au Kansas, Füller
et son équipe ont développé une structure d’habitat
métallique et circulaire qui pouvait renfermer rapidement
un vaste espace et qui était si rigide qu’elle pouvait résister
aux risques environnementaux importants, comme les tornades,
les ouragans, et les tremblements de terre. Les forces dynamiques
– coups de vent, déperdition de chaleur et changement
de pression atmosphérique – étaient les contraintes qui ont
influencé le design de la maison et encourageaient la création
d’une structure qui, comme un avion, pouvait s’adapter
à un environnement instable et sans cesse changeant.
Füller pensait qu’une telle création apporterait
une solution au problème mondial de l’habitat. L’homme
a, selon lui, toujours conçu sa maison en utilisant
des technologies inefficaces et des matériaux locaux, en réponse
à une situation d’urgence et à des stratégies de sur vie.
En conséquence, les maisons ressemblent à des forteresses,
mais n’offrent pas les conditions optimales d’isolation et
d’usage. Il a ainsi privilégié dans sa recherche des solutions
permettant une contrainte de la masse des bâtiments. En effet,
ce qui était déterminant dans la conception d’avions et
des bateaux ne l’était pas dans la conception de l’habitat.
Pour Füller, le fait de ne pas considérer le poids comme
un facteur majeur empêche la maison de parvenir au rang
de l’industrie. L’industrialisation de la production de l’habitat
et sa mobilité sont alors définies selon un ratio au kilo.
Après de nombreuses recherches alliant géométrie spatiale,
maquette de principe, observations des architectures de la nature
(comme les radiolaires, les flocons de neige, la surface des yeux
d’une mouche, les pollens, etc.), Füller arrive à la conclusion
suivante : l’utilisation du tétraèdre dans la construction comme
cellule de base conduit à « une performance maximum par kilo
de matériels investis. »*
*Fuller, selon McHale, R. Buckminster Fuller, p. 15
Il af f irme que l’énergie, ou la force, s’ef force toujours
de pousser à travers la distance la plus courte – c’est-à-dire
à travers la diagonale d’un rectangle ou d’un carré. À la lumière
de ce principe, les constructions triangulaires représentent
les réseaux d’énergie les plus économiques. Ainsi, l’ingénieur
construisit des systèmes ou des réseaux dérivés du triangle.
La projection de systèmes triangulaires symétriques équilatéraux
composés de tétraèdres, d’octaèdres et d’icosaèdres,
sur une sphère engendre un système structural de grande économie
et fournit un maximum de résistance à la fois aux forces internes
et externes. C’est la structure géodésique. En utilisant un réseau
de triangles sphériques, Füller forme le dôme géodésique
qui reste l’emblème de son travail.

0023 Des architectes plus récents.

Plus récemment, les architectes comme Santiago Calatrava ou
Shigeru Ban ont travaillé sur des formalisations où l’expression
de la structure est caractérisée par la légèreté, tout en remettant
en cause les stéréotypes architecturaux.
Le travail de Santiago Calatrava est fortement influencé par
sa formation technique d’ingénieur. Les modèles mathématiques
lui permettent de concevoir des structures optimisées qui sont
à la limite du rapport poids-performance. Mais ces réalisations
sont caractérisées par une recherche formelle et plastique
qui échappe à la stricte pensée de l’ingénieur. On retrouve
par ailleurs cette réflexion dans ses recherches sculpturales
où il explore les notions de proportions, d’équilibre, de mouvements
(élan, accélération, stabilité, etc.), et de théâtralisation
de l’espace. Cet aller-retour entre ces recherches sculpturales
et les contraintes techniques imposées par l’architecture fait
la singularité des différentes oeuvres de Santiago Calatrava.
Si l’utilisation du tube en carton est aujourd’hui l’élément qui
a fait la notoriété de Shigeru Ban à travers le monde, son travail
ne se résume pourtant pas seulement à l’emploi de ce matériau.
C’est en tant que conseiller pour le haut-commissariat de l’ONU
pour les réfugiés qu’il conçoit des abris d’urgences pour venir
en aide notamment aux victimes du tremblement de terre
de Kobe (Japon, 1995) et aux réfugiés Rwandais lors du génocide
de 1994. Le matériau (tube de carton) est ici le révélateur
d’une approche qui cherche à inscrire à nouveau l’acte
architectural dans la réalité. Si l’on considère le projet pour Kobe
en regard de la situation lors de la catastrophe, on ne peut manquer
d’y distinguer une approche critique du système de production
de l’architecture. Face aux ruines effondrées des structures
de béton armé, Shigeru Ban propose l’emploi du carton pour
réaliser à moindres frais et en toute sécurité des habitations et
une église. Le programme demande que le bâtiment soit bon
marché, qu’il puisse être construit facilement par n’importe qui et
que son système d’isolation soit adapté aussi bien aux conditions
estivales qu’hivernales. Les fondations sont constituées
de caisse de bière (prêtées par le fabricant), chargées avec
des sacs de sable. Les murs sont faits de tubes en cartons
de 10,8 cm de diamètre, et de 4 mm d’épaisseur, avec des toiles
de tentes pour réaliser le plafond et le toit. Le coût des matériaux
pour une maison de 16 m2 (unité de base) avoisine les 2000 $.
Les unités sont faciles à démonter, les matériaux se manipulent
aisément et ne coûtent pratiquement rien à recycler.
Au-delà de l’évidente maîtrise des possibilités techniques
d’un matériau apparemment peu propice à un emploi structurel,
le projet conduit alors à réévaluer certaines certitudes.
La pâte à carton sans forme (mais déjà présente dans l’architecture
traditionnelle japonaise par l’intermédiaire des shoji), à l’inverse
des amas de décombres inutilisables et irrécupérables, donne
naissance à une architecture optimisée sur les plans technique
et économique, et libérée de ses anciens a priori. La catastrophe
est l’occasion de dépasser les limites existantes. Le procédé
de recyclage prend part à l’architecture pour lutter contre
l’entropie tout en jouant avec le statut éphémère de l’objet produit.
La conception des abris pour Kobe et pour le Rwanda, va ainsi
bien au-delà de la réponse circonstancielle aux conséquences
dramatiques d’une catastrophe naturelle ou d’une guerre
civile, elle interroge la totalité du processus de la conception
architecturale ainsi que son action dans la société. Elle est autant
la recherche d’une esthétique que d’une éthique architecturale.





1| Shigeru Ban,« Paper Dome », 1998.
2| Santiago Calatrava,« Montjuic Communication Tower », 1989-92.
3| Santiago Calatrava,« Valencia City of the Arts », 1991-2004.

Nul doute que Shigeru Ban est à la fois un concepteur formaliste,
un créateur de nouveaux matériaux et un activiste social.
Dans le cadre d’un projet de hangar de stockage, Shigeru
Ban résout une nouvelle fois les contraintes posées par
le commanditaire avec la solution du tube en carton. Une
entreprise de constructions en bois demandait un espace protégé
pour pouvoir travailler à l’extérieur même sous la neige, mais
la construction devait être simple pour que l’entrepreneur et
son équipe puissent l’assembler par eux-mêmes. Ces contraintes
ont conduit à imaginer une toiture parabolique de 27 m
d’envergure, 8 m de hauteur à son centre, et de 23 m de largeur.
Comme les tubes de carton ne peuvent pas êtres pliés, les arches
sont constituées de 18 morceaux de tubes de 1,80 m de longueur
(diamètre extérieur 29 cm, épaisseur 20 mm) assemblés par
des joints en bois. Sur chaque joint, des tubes de carton
de 90 cm (diamètre extérieur 14 cm, épaisseur 10 mm) relient
les différentes arches. La structure est ainsi divisée en modules
de 1,80 m par 90 cm. La stabilité de l’ensemble est renforcée par
l’utilisation de panneaux en contreplaqué. Chacun d’eux est percé
d’un cercle dont le diamètre a été dicté par les contraintes
de stabilité pour laisser pénétrer au maximum la lumière
naturelle à travers des plaques ondulées de polycarbonate
qui font office de couverture. Pour réduire les variations
dimensionnelles des tubes en carton provoquées par l’humidité,
ils ont été enduits dans un bain particulier (uréthane liquide).
Le bout des tubes en carton est en contact direct avec
les joints en bois pour transmettre la charge et réduire le moment
de flexion. Mais ils sont renforcés par des éléments en acier
et des poteaux de contreventements en cas de changements
de poids soudains, provoqués par exemple, par l’accumulation
de neige sur les bords du toit.

003 La légèreté dans les mathématiques.

Bien souvent, le fait de visualiser un problème permet
au mathématicien d’avancer plus vite. Par exemple, un problème
typique qui se pose est : étant donné une courbe fermée, quel
est le dessin de cette courbe pour que l’aire qui est à l’intérieur
soit la plus grande ? Après un long calcul, on découvre qu’il s’agit
du cercle. Ce problème qui est très simple peut se compliquer
à l’infini. Placez-vous dans l’espace tridimensionnel, au lieu
du plan, et cherchez les surfaces finies qui englobent les surfaces
les plus grandes possibles. Dans le même cas que le précédent
et après une longue équation différentielle, on tombera
sur une sphère. Si l’on cherche à concevoir une structure
la plus grande possible en utilisant le moins de matières possible,
on se retrouve alors devant un problème complexe. Par chance,
il se trouve que l’équation différentielle d’une bulle de savon
est identique à celle d’une structure minimale. Il suffit donc
de fabriquer un châssis en fil de fer et de le plonger dans de l’eau
savonneuse pour faire apparaître miraculeusement la structure
minimale souhaitée qui servira de modèle pour concevoir
cette structure à l’échelle architecturale.
Le cas de la bulle de savon a été étudié par D’Arcy Thompson
au début du xxe siècle dans son ouvrage « On growth and form »*,
*Cambridge, Cambridge University Press, 1917, p.79
traité devenu classique chez les théoriciens de la morphogenèse.
Thompson analysait les formes de la nature (animale et végétale)
ainsi que de nombreux phénomènes physiques présentant
des faits d’organisation, via le principe d’extrémalité ou
d’optimalité.

Ainsi, le biologiste dérivait cette forme, non pas d’une l’analyse
des interactions des molécules présentes dans le liquide,
mais d’une contrainte globale d’extrémalité. Minimisant l’aire,
la sphère minimise du coup les forces de tensions artificielles
du liquide savonneux, et par conséquent l’énergie potentielle.
En adoptant cette forme, la pellicule de savon atteint un état
d’équilibre. Cet état a l’avantage d’être stable : si on déforme
la sphère en exerçant une légère pression, elle réapparaît.
Depuis une trentaine d’années est apparue une classification des
surfaces que les mathématiciens appellent surfaces minimales et qui
répond parfaitement aux questions soulevées par la bulle de savon.
De nombreux architectes qui ont travaillé sur des structures
en voiles de béton ont procédé à ce genre d’expérimentation.
Cette nouvelle classification a explosé à partir du moment où
l’on s’est aperçu que l’ordinateur était un atout extrêmement
précieux de traitement. Sa capacité de calcul nous permet
de vite visualiser ces surfaces minimales très élaborées et
de plus en plus grandes. Les principes mathématiques complexes
appliqués à ces recherches architecturales ont permis entre
autres d’élaborer de nouveaux systèmes de représentation
par le calcul informatique que l’on côtoie plus régulièrement
à notre époque. Les applications de ce type de calcul sont nombreuses,
elle passe de l’imagerie médicale (reconstitution d’un modèle 3D par
une succession de radios 2D), à la géologie et la recherche pétrolifère
(représentation de strates de l’écorce terrestre ou de nappe de pétrole à
partir de sondage), ou encore à l’aéronautique, l’automobile ou le design
(représentation 3D soit à partir d’une maquette scanné par un laser,
soit pour une modélisation informatique type CATIA développé
par Dassault Aviation). Les logiciels de modélisation 3D
s’illustrent récemment pour des applications aussi diverses
que l’industrie du cinéma, les jeux vidéo, l’architecture,
le design, la publicité, la météo, l’audiovisuel, etc.

004 Légèreté dans le design.
0041 Arts & Crafts.

Ce mouvement ar tistique réformateur a pour contexte
l’Angleterre victorienne entre les années 1860 et 1910.
En réaction à l’essor industriel anthropophage de l’Angleterre,
alors leader mondial par sa supériorité technique et industrielle,
par sa puissance coloniale et sa marine de guerre, ce mouvement
pose les bases d’une réflexion face au progrès : inquiétude,
besoin d’individualisation, valeurs véritables face à la nouvelle
organisation sociale qui voit le jour.
Ce mouvement est tenu par deux individus incontournables :
le poète et écrivain John Ruskin, et le fabriquant de meuble et
d’objets d’art William Moris. Ils sont respectivement le théoricien
et le chef de file du mouvement Arts & Crafts.
L’utopie du mouvement est une réaction face à l’industrialisation
forcenée et aux cadences infernales des usines de production
due à l’essor industriel. De ce fait, les productions de l’époque,
fabriquées en série, sont de mauvaise qualité. L’idée commune
de Ruskin et de Moris prône un retour à l’artisanat où l’ouvrier
peut s’épanouir dans son travail parce qu’il participe à chaque
étape de réalisation et de fabrication de l’objet qu’il construit,
à l’inverse de l’organisation scientifique du travail qui existe
alors dans les usines (division des tâches, geste répétitif, tâches
chronométrées…).
Il était donc urgent, non seulement de réhabiliter le travail
fait main, mais de sauvegarder et de réapprendre les
techniques traditionnelles. Rapidement, ils sont les initiateurs
de la fondation de nouvelles écoles, pour former les artisans.
Une autre de leurs idées était qu’on ne peut faire du bon travail,
que si on vit et l’on travaille dans un environnement sain
et agréable. Des communautés d’artisans quittent donc la ville
et partent s’installer, plus près de la nature, dans les districts
campagnards. Cet exode est favorisé par le développement
des chemins de fer. Dans cette ambiance, les ouvriers-artisans
s’intéressent à la culture, en participant à des concerts et
à des pièces de théâtre. Ils découvrent la cuisine végétarienne.
Mais leur grande idée était que l’art devait intervenir partout,
en premier lieu dans la maison pour d’abord retravailler
les objets usuels : vaisselle, argenterie, reliure, tapis, luminaires…
idée fondatrice du design. Les créations étaient réalisées soit
sur commande en pièce unique, soit en petite série,
diffusées dans les catalogues des magasins londoniens.
Le mouvement Arts & Crafts a été le premier à rapprocher
les beaux-arts des arts appliqués. Les artistes-artisans
mettent en avant le matériau, les meubles se font en bois
massif, le martelage de l’argenterie et de la dinanderie
se fait à la main. En réaction aux atmosphères surchargées
de la bourgeoisie victorienne, ils mettent en avant, la simplicité
voir le dépouillement, estimant qu’un beau mobilier se suffit
à lui-même. Dans leurs oeuvres, surgissent les végétaux et
les animaux, symboles de la nature, mais plus ou moins
stylisés.

0042 À propos de Marcel Breuer.

Étudiant au Bauhaus à Weimar en 1925, il signe l’invention
du mobilier en tube métallique que l’on considère comme
son principal apport à l’histoire du design. Les créations
de Marcel Breuer à structure d’acier comme le célèbre fauteuil
« Wassily », les tabourets du Bauhaus ou les divers fauteuils sur
piétement traîneaux, font figure de symboles du design de toute
une époque. Au cours de sa carrière, Marcel Breuer a utilisé
successivement dans son travail de création de mobilier l’acier
tubulaire, l’aluminium et le contreplaqué.
Dans le domaine des meubles tubulaires en particulier, Breuer
a su reconnaître les aptitudes d’un matériau à la création et
comment, en l’espace de quelques années à peine, il en a étudié
toutes les subtilités d’une manière quasi systématique. Ces
pièces de mobilier sont le résultat de recherches expérimentales
dans l’objectif d’obtenir des sièges légers et solides à la fois,
qui soient économiques, et donc adaptés à une production
en série. Le choix des profils utilisés pour leur fabrication
est fait avec l’objectif d’économiser le poids du matériau.
Ainsi, la chaise 301 de Breuer est vendue avec le slogan suivant :
« c’est une chaise en acier poids plume, la meilleure du marché,
légère et souple ». Concernant le travail avec l’aluminium,
Breuer s’est illustré en transposant à ce matériau le principe
du piétement traîneau appliqué au tube d’acier dans
la fabrication de mobilier. Le Duralumin, matériau inoxydable,
excessivement léger et très souple, permet à Breuer de mettre
au point un modèle de chaise longue qui répond aux exigences
thérapeutiques des sièges de repos, et qui est déplaçable
d’une seule main. Quant au contreplaqué, les travaux de Marcel
Breuer utilisent le potentiel du matériau dans ses plus ultimes
possibilités avec les moyens de mise en forme de l’époque.
Les mobiliers sont simples et dépouillés, mais ils dégagent
une grande maîtrise du détail. Il s’agit de simples plaques
de contre-plaqué, mises en forme avec la même aisance
qu’une feuille de papier.

0043 À propos d’Alvar Aalto.

Cet autre acteur de l’histoire du design s’est intéressé à l’utilisation
industrielle du bois courbé. Les meubles qu’il a dessiné,
nés d’une nouvelle technique du travail du bois (pour l’époque,
les années 30-40), présentent les qualités suivantes : légèreté,
solidité, formes très élégantes inconnues jusqu’ici (qui rentrent
en contradiction avec les mobiliers d’ébénisterie très conformistes
de style bourgeois), élasticité surprenante obéissant
aux attitudes de repos, d’attention, de lecture. L’ensemble
des créations Aalto répond à un style moderne clair et chaud,
dû à l’utilisation systématique du bois. Il s’agit d’un mobilier
souple en fines lamelles de bouleau superposées et collées,
permettant ainsi une élasticité inédite pour une for te
résistance.
Tous ces exemples montrent l’évolution de la notion de légèreté
autant dans le domaine de l’architecture que dans le domaine
du design. Les approches tantôt fonctionnalistes tantôt relevant
de l’observation de la nature illustrent la diversité des possibilités
de l’aspect léger d’un objet ou d’une architecture.




1| Marcel Breuer, « chaise longue n° 313 », 1933
2| Alvar Aalto, « Paimio chair », 1931



01 Introduction.

Dans ce mémoire, j’ai voulu développer une recherche autour
de la notion de légèreté. J’attache à celui-ci des pratiques
provenant d’horizons très différents.
Ainsi, dans ce travail, se côtoient le design, les sciences
(appliquées ou non), l’art, les matériaux, l’architecture, la nature,
la photographie, l’industrie, l’infiniment petit, le gigantesque,
l’impalpable, le tangible, le poétique, le pragmatique, etc.
J’ai focalisé ma recherche sur ce qui peut, à mon avis, alimenter
un projet de design.
Mon travail est axé sur trois domaines qui me paraissent
essentiels.
La première partie évoque la masse propre des matériaux.
La légèreté conçut par la nature, et celle conçut et/ou copié
par l’homme. Par la symbiose avec son environnement, la nature
auto-sélectionne les solutions les plus justes. Comment celle-ci
optimise, rationalise l’utilisation de la matière avec une économie
d’énergie maximale ? Nous verrons comment l’homme peut
s’en inspirer ou inventer des nouvelles matières pour résoudre
des problèmes techniques. Nous verrons aussi des recherches
sur les matériaux légers et leurs applications dans les domaines
industriels et domestiques, mais qui restent pour le moment
restreints à des applications pointues. L‘évolution transversale
de la technologie de pointe vers les applications grand public
s’inscrit dans une autre temporalité.

La deuxième partie aborde de la notion de légèreté que
l’on trouve dans les formes du design, de l’architecture,
de l’industrie, mais aussi comment certains hommes ont trouvé
des solutions formelles pour traduire et/ou concevoir le léger
sous des formes multiples (solution structurelle, gonflable,
liée à la matière ou à l’accumulation). Ici, la légèreté
se retrouve dans la recherche formelle, mais aussi
dans une recherche technique d’un matériau léger.
La recherche du léger a permis, dans différents domaines,
de contribuer à l’évolution des matériaux, des techniques et
des formes (de la locomotive à vapeur à la production d’objet
en prototypage rapide). La manière d’agencer la matière
devient importante pour obtenir une résistance maximale par
rapport à un poids minimum (de la méga-structure de type tour
Eiffel aux objets du quotidien).
La dernière partie aborde l’intervention légère de l’homme,
les dimensions poétiques et pertinentes que l’on trouve
dans l’art et le design. Quand la légèreté se traduit dans
une production créative par une économie (de geste, de moyen,
financière…), tout en aboutissant à une épure, une création
aboutie où tout élément (matière, forme, fonction) est justifié.
Il est aussi question d’interventions manifestes qui développent
une critique sur la pesanteur des processus industriels
ainsi que sur les conventions d’usage du mobilier.


1 Poids plume.

La légèreté, selon le dictionnaire Petit Rober t 2006,
est le caractère d’un objet peu pesant, de faible densité,
qui se soulève facilement. On dit bien léger comme une plume,
ou comme une bulle de savon. On attribue aussi le Léger
à quelque chose qui a de la délicatesse, de la grâce dans
la forme. Certains matériaux répondent à cette définition.
Dans cet te par tie, je distinguerai deux a xes autour
de la légèreté. Tout d’abord, une piste qui met en relation
les ingéniosités de la nature en ce qui concerne la production,
l’agencement et l’utilisation de la matière, puis une autre
qui concerne les matériaux industriels légers et certaines
recherches sur les avancées technologiques de futurs
matériaux.

11 La légèreté dans la nature.

Il est incroyable de voir comment la nature, par les multiples
essais de l’évolution, optimise la matière af in d’obtenir
des performances maximales. Ainsi, les végétaux rationalisent
l’utilisation de l’énergie pour leur croissance. Il en est
de même pour les structures osseuses en général et pour celles
des oiseaux en particulier. La nature a maximisé le ratio poidsrésistance.
Il semble y avoir des principes fondamentaux comme
la triangulation de la matière, l’utilisation des composites
(matrice et renfort), fibre neutre…

111 Biomimétisme.

Il existe une nouvelle science appelée « biomimétisme » qui
étudie les solutions trouvées par le règne animal et végétal,
et qui essaie de les transférer vers des applications humaines
(pour l’industrie, l’économie, la sociologie, l’écologie…).
Voici quelques questions posées à Janine Benyus, auteur
en sciences naturelles à propos des enjeux de la biomimétique.
(Traduction de l’entretien paru sur le site www.biomimicry.net)

• Que signifie le terme de « biomimétisme » ?

Biomimétisme (de bios, vivant et de mimesis, imiter),
c’est une nouvelle science qui étudie et imite les meilleures
solutions que la nature a créées afin de concevoir et résoudre
des problèmes que se pose l’être humain. Par exemple,
on étudie la structure d’une feuille pour fabriquer des panneaux
solaires plus efficaces. On peut résumer le biomimétisme
à des « innovations inspirées par la nature ».
L’idée centrale est que cette nature, imaginative par nécessité,
a déjà résolu de nombreux problèmes auxquels nous
nous attaquons. Les animaux, les plantes, les microorganismes
sont des ingénieurs accomplis. Ils ont trouvé
ce qui fonctionne, ce qui est approprié, et le plus important,
ce qui perdure sur Terre. Ce sont bien là les nouveautés apportées
par cette science. Après 3,8 milliards d’années d’évolution,
les fossiles représentent les différents échecs de l’évolution, et
tout ce qui nous entoure est le secret de la survie, de la sélection
naturelle.
Nous tentons d’apprendre, par exemple, comment capter
l’énergie solaire comme le fait une feuille, comment produire
de la nourriture en auto-suffisance comme dans une prairie
sauvage, comment construire de la céramique comme l’ormeau,
comment s’auto-médicamenter comme les chimpanzés,
comment stocker des données comme les cellules (protéines
de l’ADN), ou comment gérer un environnement comme
dans une forêt tropicale ?
L’ingéniosité constante de la vie est une stratégie à suivre
pour la survie de l’espèce humaine, un chemin vers un meilleur
avenir. Plus notre monde s’apparentera et fonctionnera comme
celui de la nature, plus long sera notre existence sur la planète.

• Pouvez-vous nous donner des exemples de problèmes
qu’on pourrait résoudre grâce au biomimétisme ?

La biomimétique interroge la nature pour des conseils
sp é c if ique s : commen t cul t i ver n ot re n our r i t ure ?
Comment produire de l’énergie ? Comment f abriquer
des matériaux ? Comment nous maintenir en bonne santé ?
Comment conser ver nos connaissances ? Comment nous
développer sans pour autant détériorer les ressources
de notre planète ?
Prenons pour exemple une de ces questions concernant
l’élaboration des matériaux. Aujourd’hui, nos procédés
de fabrication des matériaux utilisent la chaleur, la mise
en forme et le traitement chimique. Par exemple, le Kevlar®
(la matière contenue dans les gilets pare-balles) est l’un
de nos matériaux de haute technologie. On n’a pas plus
résistant et plus solide. Mais, comment est-il fabriquer ?
On verse des molécules dérivées du pétrole dans une cuve
pressurisée contenant un concentré de chlorure d’acide
téréphtalique, on fait polymériser le tout à plusieurs centaines
de degrés. Ensuite, on applique aux fibres obtenues de
fortes pressions pour les contraindre dans un sens souhaité.
L’absorption d’énergie est énorme et les sous-produits
toxiques sont odieux.
La nature utilise des voies différentes. Parce qu’un organisme
vivant produit lui-même ces matériau x comme l’os,
le collagène ou la soie, il lui est impensable de suivre
les mêmes procédés que les nôtres, qui sont une dépense
d’énergie colossale. Par exemple, une araignée peut
produire une soie étanche bien plus performante que
le Kevlar® en termes de robustesse et d’élasticité.
À masse égale, elle est même 5 fois plus solide que l’acier !
Mais, l’araignée la fabrique à température ambiante et
sans utiliser de fortes pressions, ou de produits chimiques.
De plus, elle n’a pas besoin d’aller forer le fond des océans
pour extraire de la matière première, elle utilise simplement
comme source de matières les insectes qu’elle capture dans
sa toile.
Ironiquement, elle peut même manger un vieux morceau
de sa toile pour en tisser un nouveau.
Imaginez ce que cela pourrait représenter pour notre industrie
textile ! Des matières premières renouvelables, des fibres
plus longues, moins de gaspillage et de moindres coûts d’énergie.
On a vraiment beaucoup à apprendre de ces araignées qui
produisent de la soie depuis bientôt 380 millions d’années.
La vérité est que des organismes vivants sont par venus
à faire tout ce que nous voulons faire sans pour autant dévorer
les combustibles fossiles, polluer la planète ou hypothéquer
le futur. Existe-t-il de meilleurs modèles ?

• La biomimétique semble tellement raisonnable. Pourquoi

ne pas y avoir porter intérêt plus tôt ?
L’approche biomimétique n’est pas nouvelle. De nombreuses
populations indigènes ont très tôt observé la nature pour
résoudre leurs problèmes. Par exemple, les chasseurs
Esquimaux continuent de traquer les phoques à la manière
de l’ours polaire. Et de nombreuses inventions modernes
comme les avions ou le téléphone sont aussi inspirées
directement de la nature.
Ce que je vois c’est l’emballement pour le biomimétisme après
une longue période d’orgueil dû à l’ère du « tout chimique ».

Grâce à nos connaissances de la synthétisation des produit
pétroliers, on a cru pouvoir se passer de la nature et
nous croire bien supérieur. Maintenant, avec les avancées
technologiques liées à la génétique, certains d’entre-nous
se prennent pour des dieux, glorifiant cette technologie qui
permettrait de s‘affranchir du monde naturel.
Mais pour le reste d’entre nous (la communauté scientifique),
il est difficile d’ignorer les sirènes d’alarmes qui retentissent
à ce sujet. En ce début de siècle, une réalité environnementale
s’impose, nous sommes contraint de trouver un moyen
plus sain et plus durable de vivre sur Terre. Il est primordial
de savoir ce qui nous pousse vers le biomimétisme,
qui va devenir une profonde connaissance du fonctionnement
du monde qui nous entoure.
Les connaissances biologiques doublent tous les 5 ans,
s’accroissant petit à petit vers un ensemble reconnaissable.
Pour la première fois dans l’histoire, nous avons les instruments
(du microscope électronique au télescope spatial Hubble)
pour voir de l’infiniment petit à l’infiniment grand. En combinant
un regard aiguisé avec des savoirs scientifiques incroyablement
précis, nous avons soudain les capacités d’imiter la nature
comme jamais auparavant.

• Comment la biomimétique va révolutionner nos vies ?

« Faire à la manière de la Nature » a un fort potentiel pour
bouleverser notre façon de cultiver, de fabriquer les matériaux,
de produire de l’énergie, de stocker de l’information, de nous
soigner. Dans chacun de ces cas, la Nature peut être un modèle
ou une source d’inspiration.




1| Graine d’érable « Acer platanoïdes »
2| Graine tropicale « Alsomitra Macrocarpa »

Ainsi, on pourrait fabriquer à la manière des animaux ou
des plantes, en utilisant le soleil et des composants simples
pour produire des fibres, des céramiques, des plastiques ou
des produits chimiques complètement biodégradables.
Nos agricultures inspirées des prairies sauvages seraient
auto-fertilisantes et résistantes à la vermine. Pour découvrir
de nouveaux médicaments, on pourrait consulter les insectes ou
les animaux qui utilisent les plantes depuis des milliers d’années
pour se soigner et se nourrir.
Dans chaque cas, la Nature peut nous fournir des modèles :
des capteurs solaires issus des feuilles, des céramiques incassables
issues de la nacre, des traitements contre le cancer issu
de l’auto-médication des chimpanzés, des graines pérennes
inspirées par les graminées, des ordinateurs se comportant
comme des cellules vivantes, et des économies en circuit fermé
qui prennent exemple sur les biotopes des forêts de séquoias,
ou des récifs de corail.
Le règne végétal a aussi développé des systèmes
de dissémination des graines par le vent très ingénieux.
Ceux-ci permettent aux plantes de conquérir de nouveaux
milieux et de favoriser une meilleure variété sur les parcelles où
cohabitent différentes espèces. Par exemple, on connaît bien
la graine d’érable « Acer platanoïdes » qui tourne en tombant
afin de ralentir sa chute. Un petit coup de vent l’amènera plus
loin. Mais d’autres espèces ont développé d’autres systèmes
volants. Ainsi, un arbre tropical « Alsomitra Macrocarpa »
produit des graines en forme d’aile volante. (voir page
précédente)
L’analogie avec le deltaplane est saisissante. On retrouve
le bord d’attaque, la position du centre de gravité avec la graine
comme poids… Et avec une envergure de 15 centimètres environ,
cette graine plane en décrivant des cercles d’environ 6 mètres
de diamètre. Le tout pour aller conquérir de nouveaux espaces.
Outres fournir des modèles, la nature fournirait également
des mesures, des normes avec lesquelles nous pourrions
comparer nos propres innovations. Sont-elles en adéquation
avec la nature ? Est-ce qu’elles s’adaptent bien ? Vont-elles
perdurer dans le temps ?
Finalement, notre relation avec le monde naturel va aussi
changer. Au lieu de voir la nature comme une source
de matières premières, on la verra comme source d’idées et
d’innovations. Ceci va tout changer, déclenchant une nouvelle
ère basée non pas sur ce que nous pouvons extraire de la Terre,
mais sur ce que nous pouvons apprendre d’elle, passant ainsi
d’une relation parasitaire à une relation de symbiose.
Quand nous regardons la Nature comme une source d’idées
au lieu de marchandises, les raisonnements pour protéger
les espèces sauvages et leurs habitats deviennent évidents.
Il faut que tout le monde réalise cela.
À la fin, les plus grands dons de la nature ne seront pas des fibres
plus fortes ou de nouveaux médicaments, mais une plus grande
gratitude et un plus grand désir de protéger l’ingéniosité
de notre environnement.

112 Théorie constructale.

Une autre théorie a été développée à la fin des années 90
par Adrian Bejan, diplômé et enseignant au MIT depuis 1976.
Il s’agit de la théorie constructale. Cette loi s’appuie sur
l’obser vation des systèmes utilisant les f luides dans
la nature. La théorie constructale d’optimisation globale
sous des contraintes locales ex plique de manière
simple l’émergence de nombreuses formes naturelles,
en particulier des structures arborescentes, comme les fentes
de dessiccation, les méandres de rivière, les bronches
des poumons, la croissance des arbres… L’idée constructale
est que les architectures de flux naissent d’un principe
de maximisation de l’accès aux flux, dans le temps, composé
avec leur capacité à se transformer.
La théorie constructale s’inscrit dans la ligne des recherches
relatives à la morphogenèse. Elle découle de toute une série
d’obser vation, de tâtonnements et d’ajustements depuis
l’Antiquité. Déjà, Aristote préconisait l’approche empirique,
c’est-à-dire donner la priorité à l’observation (exercer l’oeil
avant le cerveau), laissant entrevoir que c’est le milieu naturel
qui détermine la forme d’un être vivant. Léonard De Vinci
procédait de la même manière, ces carnets regorgent de croquis
d’observations du monde animal et végétal (vol d’oiseau,
botanique, anatomie, etc.) et de projets techniques qui
s’inspirent des toutes ces analyses. Plus tard, le biologiste
irlandais D’Arcy Wentworth Thompson (1829-1902) affirme,
dans son ouvrage « On Growth and Form. », que les formes
naturelles sont les produits des contraintes de forces physiques.
Ici, ce ne sont plus la sélection naturelle ni le hasard qui sont





1| coquille de Nautile « Nautilus pompillius »
2| fentes de dessication d’un sol argileux
3| différentes formes de flocons de neige.

les clefs de l’évolution des espèces mais les contraintes
environnementales, ce qui s’oppose à la théorie de l’évolution
de Darwin sur l’origine des espèces (1859). Reconnu comme
un précurseur dans l’étude de la géométrie du vivant, sa vision
de la morphogenèse ramène la variété infinie des choses
à un schéma général, par le biais d’une mathématisation totale
des formes ; ce qui lie Thompson avec la théorie constructale
de Bejan est sa volonté de ramener la pluralité morphologique
à un petit nombre de formules élémentaires. Ainsi, il compare
dans son livre les structures du squelette de bison et
celles d’un pont suspendu, la forme des méduses et celles
de gouttes de paraff ine dans l’eau, tous deux modelés
par leur environnement.
Cette théorie permet de concevoir des systèmes optimisés
en répartissant au mieux les inévitables résistances internes
d’un système connu, par exemple un système de refroidissement
par fluide caloriporteur, un réseau de distribution d’eau, etc.
Un principe important de la théorie constructale est de considérer
que tous les systèmes sont destinés à demeurer imparfaits
du fait de l’existence inévitable de résistances internes
(frottement, turbulence, etc.). D’un point de vue constructale,
le mieux que l’on puisse faire est de distribuer de manière
optimale les imperfections, et c’est précisément de cette
distribution optimale des imperfections que la forme du système
émerge spontanément. La loi constructale est le principe qui génère
la forme « parfaite », qui est en fait la forme la moins imparfaite
possible.
L’arbre serait, par exemple, le résultat de la minimisation
de la résistance de la sève qui s’écoule en tenant compte
du phénomène naturel de la photosynthèse et de la gravité
terrestre. Bien sûr, tous les arbres d’une forêt sont différents.

Mais, pour Adrian Bejan, « la diversité coexiste pacifiquement
avec ce déterminisme : le niveau de performance ne varie pas
beaucoup avec les petites variations dans le dessin. »*
*Revue Science & Vie, n° 1034, Novembre 2003, p.52.
La meilleure section pour un vaisseau de sève est bien le cercle,
mais les performances du flux restent à peu près les mêmes
lorsque cette section n’est qu’à peu près ronde.
Bien que tous différents, les arbres sont tous quasi parfait…
La théorie constructale est décelable dans d’autres
systèmes comme les flux d’argent et de biens à travers
le monde, l’organisation d’une entreprise, la structure
des os, les mouvements de foule au sein d’une architecture,
les méandres d’un f leuve, les bronches et les voies
respiratoires, la circulation sanguine, l’écoulement des vents
dans l’atmosphère, les flux d’informations sur les réseaux
comme Internet, etc.
Le principe de base est que de tous les processus possibles,
le seul qui a réellement lieu est celui qui implique le moindre
coût surtout en ce qui concerne le monde macroscopique dans
lequel nous vivons.


12 La légèreté des matériaux.

Le rapport poids/performance est essentiel pour le choix
d’un matériau dans la conception, et la fabrication
d’un objet. Avec les avancées technologiques dans la science
des matériaux, l’homme a pu explorer et repousser les limites
de son univers. Et depuis le début du xxe siècle, et surtout
depuis l’ère de la pétrochimie des plastiques, l’innovation
des matériaux a connu une évolution sans précédent.
Je ne parlerai pas de l’histoire des matières plastiques,
ou de celle des métaux en général. Mais, j’ai choisi quelques
exemples qui me semblent pertinents.
Ici, « nouveaux matériaux » signif ient plutôt nouvelles
associations matériaux/procédés. En effet, on ne découvre
pratiquement plus de nouveaux matériaux, mais on crée
plutôt des nouvelles associations de matériaux (matériaux
hybrides), on optimise des procédés d’obtention, on améliore
la maîtrise des microstructures… Ainsi, ce qui est nouveau,
ce sont surtout les performances et le compromis technicocommercial
d’utilisation des matériaux.

121 Aéronautique.

L’expérience de l’aéronautique s’impose dans ce domaine
comme élément moteur dans la recherche et le développement
des nouveaux procédés. Les données qui suivent sont donc issues
de ce domaine de technologie de pointe.

L’avenir des composites à matrice organique dans la construction
d’avion est au centre des préoccupations des laboratoires
de recherche et développement européens.
Les années 70 ont vu l’arrivée des matériaux composites
à matrice organique (volets de Boeing 747 en carbone/époxy).
Le pourcentage des composites organiques n’a alors cessé
d’augmenter pendant 20 ans (notamment avec la réalisation
de l’empennage arrière et de la dérive de l’A320), atteignant
un point culminant sur l’ATR72 dont près de 20% des matériaux
utilisés sont des CMO. Les derniers appareils construits ont
un pourcentage en CMO de 10 à 15%.
Sur la courbe de croissance de la présence de Composites
à Matrices Organiques (CMO) dans les structures d’avions,
on observe actuellement un palier. Il s’explique de plusieurs
façons. Tout d’abord, le coût de réalisation et de mise en oeuvre
est encore relativement élevé. Les ingénieurs n’ont pas encore
de données suffisantes sur le comportement du matériau sur
le long terme. De plus, la faible résistance aux chocs ainsi que
la fatigue aux fortes variations de température liées aux vols
en haute atmosphère posent des problèmes. Les difficultés
de réparations de certaines structures et la complexité
du recyclage des pièces liées à l’utilisation de résine thermodurcissable
sont des obstacles à l’essor des CMO. D’autant plus
que les matériaux métalliques soutiennent la compétition avec
de nouveaux alliages.
Dans un même temps, le domaine des composites organiques
s’est étendu des pièces secondaires aux structures primaires,
notamment grâce aux progrès des moyens de mise en oeuvre
que sont le drapage ou le RTM (Resin Transfer Molding) et
au fait que les CMO présentent une bonne tenue en corrosion et
en fatigue mécanique. Ces évolutions technologiques ont rendu
possible la réalisation de formes complexes et la réalisation
de grandes structures en une opération rendant ainsi possible
l’intégration de nombreuses pièces et la suppression d’assemblages
coûteux.
Cette tendance se confirme sur les derniers-nés de la famille
Airbus. Après la poutre ventrale de l’A340, c’est autour
de la totalité du caisson central de voilure de l’A380 de passer
en composite carbone/thermodurcissables. Ce choix a permis
un gain de près de 1,5 tonnes sur le poids total de l’appareil.

1211 Les matériaux hybrides.

Les matériaux « classiques » ne permettent pas toujours
de répondre à l’ensemble des besoins. Par exemple,
les matériaux organiques sont limités par leur tenue en
température, les métalliques par leur densité élevée.
Par ailleurs, les technologies de mise en oeuvre des organiques
quoique parfois complexes se sont avérées techniquement
avantageuses ; de là à associer ces deux familles, il n’y avait
qu’un pas, il a été franchi.

1212 Structure en nids d’abeilles.

Les structures en nid d’abeilles (Nida) offrent une grande
rigidité pour une faible masse. Cette propriété, générée
intrinsèquement par leur structure a été étendue à des Nidas
aluminium (dans les volets et les bords d’attaque d’Airbus).





1| fibres de carbone tissées.
2| .panneau en nida Aluminium.
3| Mousse de titane (implant dentaire), photo CNRC.

L’utilisation de plus en plus courante de ce type de panneaux
a profité à l’allègement général des structures porteuses
des avions modernes. Cependant le gros inconvénient
de ces panneaux est la sensibilité au poinçonnement.

1213 Le Glare.

Ce nouveau matériau est composé d’une alternance de feuilles
d’aluminium et de nappes de fibres de verre pré-imprégnées
d’époxy. Il est plus léger de 20% que les plus récents alliages
en aluminium et présente des propriétés étonnantes.
Ce matériau est très utiliser pour les pièces de fuselage
et de voilure parce que si des fissures se produisent sur
le revêtement extérieur, elles ne peuvent se développer que
jusqu’à la couche de matériau suivante, les fibres de verre.
Ces propriétés permettent de retarder la fatigue de la cellule,
et donc impliquent un travail de maintenance beaucoup moins
fréquent ou même inexistant.
Le Glare se positionne comme un remplaçant des alliages d’aluminium
de fuselage et connaît son industrialisation sur l’A380.

1214 Les CMM.

Les matériaux composites à matrice métallique (CMM) allient
les avantages des composites organiques et des alliages
métalliques. Ils sont composés d’une matrice métallique et
de renforts en poudre ou fibreux. Ces matériaux n’ont actuellement
pas encore été utilisés dans aucun appareil.
Plus généralement, les avancées technologiques sont aussi
présentes dans d’autres industries comme l’automobile,
le transport ferroviaire, les sports mécaniques de compétition,
les sports extrêmes, la médecine, etc.

122 Les alliages métalliques.

Ce qui différencie les métaux des verres, des céramiques, et
des autres matériaux, c’est sa plasticité. Ils se déforment, mais
ne cassent pas sauf dans des conditions extrêmes. De tout
temps, les métaux ont été prépondérants parmi l’ensemble
des matériaux existant. On se réfère à eux quand on parle
de notre civilisation : la civilisation du bronze, du fer.
La civilisation de l’acier est très récente, elle date de la moitié
du xixe siècle.
Les propriétés des métaux et des alliages métalliques sont
régies par la taille des grains métalliques et par la taille
des joints entre ces grains. Pour certaines applications,
on a besoin d’une structure granulaire à très petits grains (métaux
durs), et pour d’autres à gros grains (métaux tendres), et parfois
pour des raisons de résistance aux très hautes températures
(turbine d’avion), on a besoin d’un métal mono cristallin.
Les propriétés principales des métaux sont une bonne
conductivité électrique et thermique, un allongement à la température
de manière raisonnable par rapport aux polymères
(due aux liaisons entre les grains moléculaires), et une bonne
formabilité.

Les métaux sont lourds, parce qu’ils sont denses (structure
moléculaire compacte). Mais les ingénieurs tentent d’inventer
des matériaux qui possèdent des densités plus faibles.
Il existe des moyens de mise en forme pour réduire cette densité.
On parle de matériaux poreux à cellules fermées (donc flottant).
On fabrique ainsi des mousses métalliques (par exemple :
des mousses de nickel qui constitue les batteries d’appareils
électroniques). Il y a donc une possibilité de concevoir
des matériaux peu denses en y ajoutant des vides internes.
Une des applications de ces mousses métalliques se situe
dans le domaine de l’automobile. On introduit ces mousses
à l’intérieur des structures de l’habitacle pour qu’elles absorbent
l’énergie des chocs lors d’accident. Il en résulte une déformation
« programmée » de ces structures. Ainsi, la voiture se déforme,
tout en laissant un espace vital nécessaire pour les occupants.
Une autre application est la mousse de titane (poreuse) pour
des implants dentaires. Les implants classiques sont faits
de titane massif, métal biocompatible. On insère l’implant
dans l’os de la mâchoire lors d’une opération chirurgicale, puis
on le recouvre d’une dent en céramique. En comparaison,
la mousse de titane brevetée par le CNRC (Conseil National
de Recherches Canadien) a une structure poreuse imitant celle
de l’os. Les pores permet tent aux cellules osseuses
de se multiplier dans l’implant, donc de l’ancrer plus solidement
à la mâchoire. Il s’ensuivra une guérison plus rapide et l’usage
d’implants de taille réduite.
Les autres utilisations industrielles des mousses métalliques
sont diverses, par exemple : filtre pour capturer les particules
des gaz d’échappement, matériaux anti-feux, réducteur de bruit
(mécanique automobile), etc.

123 Aérogel : Superléger.

Ce matériau récent est constitué essentiellement d’air, sa masse
volumique très faible en fait un parfait isolant thermique.
Les ingénieurs et les architectes en aéronautique tirent
d’énormes avantages de l’efficacité et de la polyvalence
des gels poreux et des films flexibles.
« Un morceau d’aérogel de taille humaine pèserait moins
de 500 grammes, et serait capable de supporter les 450 kg
d’une petite voiture citadine. »*
*Brochure sur l’aérogel de la société JPL (Jet Propulsion Laboratory)
La légèreté des matériaux est essentielle quand on veut
construire des structures mobiles, des machines portables,
ou des engins économes en carburant. Avec les voitures
électriques et les appareils électroniques de poche, les batteries
au lithium sont en train de remplacer les lourdes batteries
au plomb ; les matériaux légers deviennent primordiaux pour
les véhicules électriques puisqu’ils permettent d’économiser
de l’énergie.
Les matériaux en fibre de carbone comme le Nylon® ou
le Kevlar®, tous deux légers et solides, sont utilisés
ordinairement pour les articles de sport associés à la vitesse,
comme les voitures de course ou les vélos de compétition, et
pour l’industrie aéronautique où par ailleurs, les applications
de l’aérogel sont les plus nombreuses…


L’aérogel a été développé dans les années 30, mais il n’a trouvé
d’applications que récemment dans l’aérospatiale.
L’aérogel est constitué de 99% d’air et de 1% de silice,
mais cette dernière peut être remplacée par de nombreux
matériaux comme le carbone ou un polymère. D’après le livre
des records du Guinness, la dernière version, la plus légère,
de l’aérogel atteint une densité de 1,9 mg/cm3 et a été produite
par le laboratoire national de Lawrence Livermore de Californie.
Bien qu’il soit le matériau solide le plus léger du monde, l’usage
premier de l’aérogel fut de collecter les poussières interstellaires
abord d’une sonde spatiale de la NASA. En effet, seul l’aérogel
permet de capturer ces fines particules lancées à très grande
vitesse (6 fois la vitesse d’une balle de fusil) dans le vide
cosmique sans les détériorer.
Les pores et les par ticules constituant l’aérogel sont
plus petits que la longueur d’onde de la lumière d’où sa relative
transparence. De plus, l’aérogel est un très bon isolant
thermique et phonique. D’ailleurs, la NASA l’a choisi pour
isoler des composants électroniques sur la sonde spatiale
Mars Explorer en 2003.
D’autres applications ont vues le jour depuis. Du fait
de son grand pouvoir isolant et de sa relative transparence,
l’aérogel est aujourd’hui utilisé dans les doubles vitrages.
Pour rendre les vitrages isolants, la solution la plus commune
jusqu’à ce jour consistait à emprisonner de l’air déshydraté
entre deux plaques de verre. Aujourd’hui une nouvelle piste est
donnée avec le développement de matériaux isolants
transparents : les aérogels de silice. Constitués de micro billes
de verre poreux à base de dioxyde de silicium amorphe, ces gels
ont une densité à peine plus élevée qu’un nuage de brouillard.





1| Seulement 2 g peuvent supporter une brique de 2,5 kg.
2| l’aérogel est un très bon isolant thermique.
3| Impacts de poussières interstélaires.

Pour les obtenir, on fabrique d’abord un gel qui se structure
en un réseau. Puis on dessèche ce gel afin de former des pores
remplis d’air. On obtient ainsi un aérogel fait de 99% d’air
pour 1% de matière avec une densité moyenne de 25 mg/cm3.
Ces matériaux peuvent accroître leurs performances d’isolation
en étant partiellement vidés en deçà de 0,01 atm.
Des prog rès restent néanmoins à f aire au niveau
de la transparence de ce type de vitrage, mais les recherches
en cours, notamment celles du CSTB (Centre Scientifique
et Technique du Bâtiment), qui devraient venir à bout
de cet inconvénient. Lorsqu’il est mis en oeuvre avec
un vitrage à faible émissivité, cet aérogel permet de réduire
considérablement – d’au moins 2/3 – les pertes d’énergie
par rapport à un double vitrage classique (K=1,1 W/m2 °C).
Mais au vu de leur transparence réduite, les applications
de ce type de vitrage se cantonnent pour l’instant aux
coupoles, verrières de toit ou cages d’escaliers où les qualités
de transparence des verres ne sont pas primordiales.
Récemment, une serre tropicale humide à structure géodésique
a été construite en Angleterre. Cette serre abrite plus de 100 000
plantes qui représentent environ 5 000 espèces provenant
de différentes zones climatiques de la planète. La quasitotalité
des surfaces vitrées de cet édifice a été fabriquée avec
des doubles vitrages contenant de l’aérogel, ce dernier
permettant une isolation optimale de la serre.
Du fait de son fort pouvoir isolant puisqu’il est constitué
presque uniquement d’air, l’aérogel constitue un très bon
rempart pour le feu.



Nicholas Grimshaw & Partners
« Eden project », Royaume-uni
2001/ Serre tropicale, isolation avec de l’aérogel

124 Aluminium.

Depuis sa découverte au xixe siècle, alors qu’il était aussi cher
et rare que de l’or, l’aluminium a inspiré la créativité et a connu
une carrière étincelante dans différents domaines comme
la bijouterie, l’architecture, le mobilier, la mode, et bien sûr
les produits manufacturés industriels. Brillance, légèreté,
résistance à la corrosion, ductilité, solidité et facilité
de recyclage sont les qualités essentielles de ce matériau.
En effet, c’est l’un des matériaux métalliques les plus légers.
On peut facilement le transformer en fil ou en film très fin (papier
aluminium pour la cuisine) ou par extrusion (profils complexes
pour l’automobile, l’aéronautique, le bâtiment…). Grâce à sa très
bonne conductivité électrique et thermique, il est très utilisé
pour confectionner des câbles électriques, et des ustensiles
de cuisines. Son faible point de fusion (660°C) le rends très
facilement recyclable. Sa résistance à la corrosion est due
à la fine couche d’alumine (oxyde d’aluminium) qui se forme
au contact de l’air et qui le protège. Mais cette protection
le rend difficilement soudable, car l’alumine a un point de fusion
beaucoup plus élevé (environ 2 000°C). L’aluminium peut être
associé à d’autres métaux afin d’accroître ses propriétés (rigidité,
tenue à la fatigue, malléabilité…). Ainsi, le Duralumin (alliage
d’aluminium, de magnésium, de cuivre et de manganèse) donne
une meilleure solidité et une meilleure dureté par rapport à
l’aluminium ce qui lui a permis de conquérir l’industrie aéronautique
(structure, carrosserie, voilure…). D’ailleurs, cette industrie
a énormément participé au développement de ce matériau,
autant pour des alliages que pour des moyens de mise en forme
ou d’assemblage (rivetage, et aujourd’hui soudure par friction).



Airstream triler
« It was so light that factory workers could carry it. »
1965

1241 Airstream, la caravane américaine.

La mobilité est devenue un standard de l’American way of life
pendant la Grande Dépression des années 30. Des millions
de personnes, déracinées par les difficultés économiques, furent
jetées sur les routes à la recherche d’un emploi. Beaucoup
d’Américains furent employés sur les projets commandités
par le gouvernement pour construire des autoroutes
traversant de part en part le pays, des parcs nationaux, des terrains
de camping et autres terrains de stationnement. La caravane
permettait de voyager avec le confort domestique à travers
le pays. Wally Byam fut l’un des tout premiers concepteurs
de caravanes en aluminium. D’abord designer dans l’industrie
aéronautique où il dessinait des avions, il n’était pas
à ses débuts dans le domaine de la construction en aluminium.
Il réalisa une caravane solide, suffisamment légère pour être
tracté par une voiture de taille moyenne. Malheureusement
la société dans laquelle il travaillait fit banqueroute en 1935, mais
il en repris le contrôle et la baptisa Airstream Incorporated.
Avec une structure monocoque, et de la tôle d’aluminium
rivetée, sa caravane Airstream repris le design aérodynamique
de l’époque nommé « Streamline ». En 1947, Byam invita
le coureur cycliste français Latourneau à visiter son usine et
pour faire une démonstration. Le sportif tracta une caravane
avec son vélo uniquement à la force musculaire. Cette image
fut utilisée pour la publicité de la marque pour démontrer
la légèreté de cette caravane.
De nos jours, cet engin est devenu une figure emblématique
du design et de la société de loisir américaine. La devise
de Byam : « Adventure is where you find it, any place, every
place, except at home. » illustre bien le style de vie de l’époque.
On the road, évidemment.

125 Nano, l’échelle de l’atome.

Par le moyen des microscopes électroniques à force atomique,
physiciens et chimistes observent la nature pour construire
des matériaux à l’échelle moléculaire.
L’impact de ce développement sans précédent, la nanotechnologie,
s’est déjà matérialisé à l’échelle macroscopique.
« Je n’ai pas peur de considérer l’ultime question de savoir si,
dans un avenir proche, nous pourrons arranger les atomes
à la manière que nous voulons ; les atomes mêmes,
un par un »*
*Richard Feynman (1918-1988), prix Nobel de physique.
La nanoscience est l’étude des systèmes moléculaires
à l’échelle nanométrique, elle fut découverte dans les années 40
par le physicien Richard Feynman. Comme le dit George
M. Whitesides, professeur en chimie à l’Université d’Harvard,
c’est « avec la génétique, l’affirmation d’un bouleversement
du monde connu. »
Depuis qu’IBM a manipulé 35 atomes de Xénon pour écrire
le logo de sa société, on a largement accepté qu’on pouvait
déplacer la matière à l’échelle des atomes.

Feynman avait donné l’exemple suivant : en utilisant
un cercle d’une superf icie de 1 000 atomes par points
d’impression, il serait possible d’imprimer toutes les pages
de l’Encyclopedia Britanica (soit 24 volumes) sur la tête
d’une épingle. Autre exemple, dans l’épaisseur d’une feuille
de papier (un dixième de millimètre), il est possible d’empiler
environ 400 000 atomes de métal.
Il y a donc beaucoup de place à cette échelle !
Mais comment fabriquer rapidement atome par atome
un élément ?
Par exemple, pour fabriquer une feuille de papier A4 à l’aide
des moyens actuels (microscope à effet tunnel), il faudrait
13 milliards d’années. Un des points fondamentaux de la maîtrise
de la nanotechnologie est donc la création d’une machine
de taille moléculaire, capable de se dupliquer elle-même.
Donc, en copiant le système de reproduction cellulaire, comme
il existe lors de la croissance d’un embryon, on pourrait
concevoir une nanomachine capable de se dupliquer.
Suite à cette propagation, les deux entités obtenues se multiplieraient
à leur tour, encore et encore. Il suffirait alors de moins
de 2 minutes pour créer une feuille entière.
Les chimistes ont une longue histoire en ce qui concerne
l’assemblage de structures moléculaires atome par atome.
Dans un débat récent entre Eric Drexler, auteur chercheur
sur les technologies émergentes au MIT (Massachusetts
Institut of Technologie), et Rick Smalley, chimiste à la Rice
University, Drexler a comparé sa proposition d’assembleurs secs
à des enzymes et des ribosomes. Smalley réplique alors :





1| Schéma d’un engrenage moléculaire.
2| MEMS (Micro Electro Mechanical Systems).
3| Logo atomique IBM /1990 .

« Les enzymes et les ribosomes ne peuvent travailler quand
milieu humide. Expliquez-nous alors cette chimie nouvelle ! ».
Drexler a depuis reconsidéré ses déclarations originales et
a publiquement admis « ces répliques fugitives, alors qu’elles
sont théoriquement possibles selon les lois de la physique, ne
peuvent pas êtres assemblés avec les outils nanotechnologiques
d’aujourd’hui. » En clair, les laborantins sont actuellement
incapables de faire « pousser » des structures moléculaires
comme peuvent le faire des organismes micro cellulaires.
Actuellement, aucune nanomachine de ce type n’a encore été
conçue dans tous ses détails dans les laboratoires. De plus,
il faudrait des moyens pour commander ces nanomachines,
des genres de nano-ordinateurs qui n’existent pas non plus.
Il existe d’autres problèmes de faisabilité dans le développement
des nanotechnologies et des nanomachines. Il y a celui
de l’agitation continuelle des atomes à la température ambiante
(leur stabilité étant obtenu lorsqu’on s’approche du zéro absolu,
soit -270°C). Il y a aussi un problème technique lié à la taille
des atomes. Il est impossible de lubrif ier un essieu
à cette échelle, car les atomes du lubrifiant seraient à peu près de
la taille de l’essieu ! Un roulement à billes est difficilement envisageable
car la surface de la bille ne serait pas plane, mais constituée
des bosses des atomes.

1251 Applications.

La nanotechnologie permet une amélioration de la qualité
de fabrication sans précédent. Les atomes étant placés de façon
précise, les problèmes liés aux impuretés et aux défauts dans
les matériaux disparaissent presque entièrement. Il est ainsi
possible de fabriquer des matériaux plus solides, utilisant
beaucoup moins de matières.
Aujourd’hui, les scientifiques arrivent à produire des nanotubes
de carbone. Les filaments obtenus, malgré leurs petites tailles,
sont 50 fois plus résistants que l’acier. Outre ces nanotubes,
d’autres matériaux sont à l’essai. On parle notamment des nanopoudres
de céramiques (traitements des surfaces de matériaux
comme le durcissement), des nanofibres de carbone (conductivité
électrique, résistance mécanique), des nanofeuilles de verre
(disques optiques pour du stockage de données), des nanofilms
d’ADN (filtration de polluant), des nanocristaux (composant
électronique, microprocesseur), des nanocomposites (dureté et
résistance à l’usure).
Comme me le disait Philippe Costard quand je l’ai interrogé sur
les nanotechnologies : « On pourrait comparer les matériaux
existant à l’alphabet. Et grâce aux nanotechnologies, on peut
désormais créer de nouvelles lettres, de nouvelles combinaisons.
» Il m’expliquait aussi que des scientifiques sont arrivés
à mettre au point un métal transparent. Il s’agit tout simplement
de modifier la structure moléculaire pour que la longueur
d’onde de la lumière puisse passer à travers les molécules métalliques.
Ils ont ainsi obtenu de l’aluminium transparent, alliant
la légèreté et la résistance du métal à la transparence du verre.

1252 Utopies.

Spéculons un peu…
Pour la fabrication d’objets par des nanomachines, le coût
de production serait extrêmement réduit, car la fabrication
consommerait beaucoup moins d’énergie et de matière
qu’actuellement. De plus, la production étant entièrement
automatique, les coûts de mains d’oeuvres seraient pratiquement
nul.
En fait, les coûts de fabrication seraient réduits quasiment
aux coûts de conception (ce qui est déjà le cas aujourd’hui pour
l’industrie des logiciels pour ordinateur). En effet, la matière
première pourrait être entièrement recyclé (voir même utiliser
les déchets comme matière première), et l’énergie pourrait
provenir de capteurs solaires (eux-mêmes fabriqués à grande
échelle par des nanomachines).
Produire un élément à partir d’atomes nous permettrai
d’imager une sorte d’appareil de la taille d’un four micro-onde avec
un tableau de commande permettant de choisir l’objet
souhaité, pour fabriquer, par exemple une paire de chaussures,
un ordinateur, une pizza… Des assembleurs ou nanomachines
commenceraient alors à se multiplier dans l’appareil, prenant
la forme de l’objet désiré. Puis, une fois la structure créée,
ils assembleraient l’objet choisi, atome par atome. La paire
de chaussures serait prête en 2 minutes, top chrono.
De même, il serait possible de recréer de la nourriture à partir
de l’air ambiant et de quelques déchets. Il serait certainement
possible d’arriver directement à un steak frite avec salade,
sans passer par la croissance de laitue, celle des pommes
de terre, ou par l’élevage d’animaux, et enfin par la cuisson avant
que la plat final n’arrive dans votre assiette !
Mais en partant dans de telles utopies, le meilleur comme le pire
est à craindre. En leur temps, les pères de l’énergie nucléaire
n’ont-ils pas travailler sur la bombe atomique ?

1253 Craintes.

Alors que cette nouvelle technologie voit à peine le jour,
les risques qu’elle peut procurer soulèvent les premières
polémiques.
Ce n’est pas parce qu’on est invisible qu’il faut passer
inaperçu. Aussi les nanoparticules et les nanomatériaux vont-ils
être auscultés par les scientif iques de l’Ineris ? Pour
l’Institut national de l’environnement industriel et des risques,
ces « nanochoses » constituent en effet un risque environnemental
et technologique émergeant et leur développement exponentiel
mérite qu’on s’y attarde.
Les nanoparticules sont des éléments inf iniment petits,
de l’ordre de 1 à 100 nanomètres de longueur.
L’Ineris a décidé de consacrer une partie de son budget
à l’infiniment petit et coordonne un programme, Nanoris,
qui doit plancher sur « l’évaluation et la prévention des risques
accidentels et chroniques liés à la production et l’utilisation
de nanoparticules ». Aux Etats-Unis, des scientifiques travaillent
depuis plusieurs années sur les risques liés aux nanotechnologies.
De récentes publications mettent en lumière les ef fets
inflammatoires des nanotubes de carbone sur les poumons
de souris exposées pendant 20 jours à ces composés.
On a observé que les agrégats de molécules (les nanotubes
mêlés à des cellules) ont provoqué des granulomes et
une prolifération anormalement rapide de tissus fibreux dans
les alvéoles pulmonaires. « Ces études prouvent une toxicité
à de faibles doses, c’est-à-dire à des doses considérées comme
admissibles selon les normes en vigueurs existantes », explique
Howard Kipen, de l’université de médecine du New Jersey. Pour
l’heure, les normes ne concernent que le graphite, aucune n’existe
pour les nanotubes de carbone. Ces études sont déterminantes :
elles posent la question de la protection des salariés
manipulant ces nano-particules. En dépit des gants, lunettes et
masques, ils inhalent des nano-éléments. Quels sont les impacts sur
la santé ? Les travailleurs exposés aux doses standard pourraient
développer des fibroses pulmonaires. Le programme Nanosafe,
financé par l’Union Européenne, veut établir une base de
données sur les questions toxicologiques et environnementales
liées aux nanoparticules. Son but est que les nano-objets
ne deviennent pas l’amiante du xxie siècle.
« Le principe de précaution devrait s’appliquer à fond dans
cette industrie » déplore Ghislaine Lacroix, toxicologue
à l’Ineris. Mais ce principe, même adossé à la Constitution
française, ne pèse pas lourd face aux retombées économiques
de la filière. « En 2010-2015, les enjeux économiques liés
à l’avènement des nanotechnologies au niveau mondial devraient
atteindre 1 000 milliards d’euros par an et concerner l’emploi
de près de 2 millions de personnes », lit-on dans le rapport
« Etude prospective sur les nanomatériaux, en 2004 », réalisé
pour le ministère de l’Industrie.
De fait, les « nano start-up » n’ont pas attendu les rapports
circonspects des toxicologues pour se lancer dans la production
de nanotubes, de nanomachines ou de nanopoudres.
Mondialement, on produit plusieurs centaines de tonnes
de nanotubes chaque année. Les productions restent
confidentielles, leurs applications étant encore en phase
de test.


2 Aspect léger, forme légère.
21 Aspect léger.
211 Design.

La notion d’« aspect léger » peut découler de plusieurs choses :
l’utilisation de matière légère, l’utilisation de matière performante
(mais pas forcément légère), le système d’assemblage
et/ou d’agencement de la matière (structure)…
À première vue, faire léger devrait se traduire par utiliser
une matière légère. En effet, jouer avec la densité des matériaux,
utiliser leurs pouvoirs de flottaison, leurs facilités de transports,
de mise en forme devient très accessible pour le designer.
Je pense par exemple au polystyrène expansé. Outre
ses caractéristiques d’isolation thermique et acoustique,
sa faible densité devient un atout. Un objet en PSE est facile
à transporter, on peut porter un bloc d’environ 1 à 2 m3 à bouts
de bras.
Les frères Bouroullec illustrent bien ce propos avec leur module
de rangement « Nuage ». Le mode de fabrication de ce module
entre aussi en compte dans l’aspect léger. En effet, puisqu’il
est réalisé, depuis un fichier informatique, par une découpe
au fil chaud dans un pain de polystyrène, le processus de fabrication
ne devient plus un soucis. On pourrait le faire fabriquer
dans n’importe quelle société qui utilise ce procédé à travers
le monde en leur envoyant le fichier informatique via Internet.




1 et 2| Les frères Bouroullec
« Nuage »
2002

Cela devient un objet dont la production peut être individualisée
et réalisée en flux tendu.
L’utilisation de l’air dans le gonflable est une autre solution.
En effet, l’aspect du gonflable est fortement lié au Léger.
Il s’agit de concevoir des membranes auto-portantes, et qui
utilisent le moins de matières possibles. L’utopie du gonflable
qui s’est développée durant les années 60­–70, avec l’arrivée
de nouveaux plastiques extensibles et thermossoudables,
en est une illustration pertinente.
Le recours aux techniques pneumatiques fut très largement
expérimenté par un collectif d’architectes français composé
de Jean Aubert, Jean-Paul Jungmann, et Antoine Stinco.
Au sein d’Aérolande (appelé également Utopie), ils ont développé
à la fois des projets prospectifs et des réalisations concrètes.
En 1967, Jean-Paul Jungmann soutient son projet de fin d’étude
à l’école des Beaux-arts de Paris et présente le dôme pneumatique :
« Dyodon ». C’est un exemple d’architecture autonome,
élaborée, non pas en fonction d’un site ou d’un environnement
mais par rapport aux fonctions internes et aux besoins
des occupants. « Dyodon » est aussi bien destiné au milieu
terrestre qu’aquatique et peut être amarré, suspendu
ou posé. Ce projet restera prospectif comme la plupart
des propositions d’Aérolande. En mars 1968, le groupe organise
l’exposition « Structures gonflables » au musée d’art moderne
de la ville de Paris et présente tout ce qui se fait à l’époque dans
le pneumatique, de l’architecture, aux canots de sauvetage
Zodiac en passant par le mobilier. Aérolande disparaît peu après
1968. Pourtant en 1970, à l’occasion de l’Exposition Universelle
d’Osaka, le pavillon Fuji (oeuvre de l’architecte Murata
Yutaka) apporte avec son étrange silhouette biomorphique
de quarante mètres de haut, une preuve probante de l’efficacité
des structures gonflables. Cependant, faites de peau en PVC,
polyuréthanes souples et néoprène, l’essor de ces constructions
va être compromis par la crise pétrolière de 1973, et avec elles,
l’enthousiasme pour l’architecture éphémère.
« Blow », le fauteuil de De Pas, D’Urbino, Lomazzi et Scolari
est devenu une icône pour la jeunesse de l’époque. Bien qu’il
ne fut pas le premier fauteuil gonflable (des recherches
sporadiques furent menées dans les années 40, et dès le début
des années 60 avec plus de pertinences), il fut le premier
à être produit industriellement et à toucher un très large public.
De plus, ce projet fut novateur pour l’industrie. Pour résoudre
le problème du collage du PVC, Zanotta due concevoir
un nouveau procédé de fabrication : la soudure électronique
à haute fréquence. Ici, la recherche de la légèreté engendre
de l’innovation technique.
Aujourd’hui, l’armée américaine développe un programme
de recherches sur les structures gonflables pour des abris,
tentes et hangars, notamment déployés lors de la guerre en Irak et
en Afghanistan. Ces structures permettent une réduction
du volume de transport de l’ordre de 75%, de 66% du poids
et 50% du temps de montage. La NASA s’est aussi intéressée
à ce domaine afin de fabriquer des antennes spatiales gonflables.
Des applications d’urgence sont aussi d’actualité. Il existe
des tentes gonflables pour monter rapidement des hôpitaux
d’urgences lors de catastrophes naturelles. Leurs flexibilités
d’utilisation est alors un atout essentiel pour le secours
de personnes.
Plus récemment, la société anglaise « Inflate » développe
des solutions de micro-architectures pour l’intérieur domestique
et pour de l’évènementiel (stand, exposition commerciale,
loisir…). Leurs abris deviennent des micros espaces,
des séparations dans les grands espaces, des î lots
de recueillement ou encore de protection temporaire contre
les intempéries comme le projet « Airoof ».
D’autre part, l’aspect léger par l’agencement de la matière
est une prospective menée en particulier par les architectes et
les designers. Les exemples sont nombreux, mais j’en retiendrai
quelques-uns qui m’ont paru incontournables. À l’échelle
de l’objet, il existe aussi des applications de cette notion.
La chaise « Pylon » de Tom Dixon reprend le langage structurel
des pylônes électriques. La légèreté de la structure vient de
l’optimisation de la répartition de la matière par triangulation.
Ici le changement d’échelle permet de valoriser l’agencement
optimal de la trame métallique.
François Azambourg travaille de la même manière pour
la conception et la réalisation de sa chaise en balsa
« Very nice ». L’utilisation de ce langage d’ingénieur montre une
certaine fascination face à l’aspect complexe de telles structures.
En fait, cela est rassurant de voir se concrétiser une certaine lutte
avec les matériaux afin de faire tenir debout ses objets, tout en
les faisant le plus léger possible. Ce défit passe par de nombreux
essais en maquette à l’échelle 1, de nombreux crashs tests,
et autres fausses routes. Une confrontation avec les normes
de sécurité permet de valider et d’optimiser les intuitions
du designer. Le résultat reste toujours fascinant, voir sa forme
complexe validée par des ingénieurs doit conforter l’imagination
de son créateur.






1| D’Urbino, Lomazzi, Scolari « Blow », 1967.
2| Inflate « Office in a Bucket », 2003.
3| Tom Dixon « Pylon », 1992.
4| françois Azambourg « Very nice », 2004.

212 Architecture & industrie.
2121 Révolution industrielle et conséquences.

Le défi de la légèreté a toujours été vecteur de progrès technique
ou technologique.
Déjà, au début de xxe siècle, la construction de la tour Eiffel
relève d’une nouvelle organisation dans la fabrication d’édifice.
Tous les éléments qui constituent la tour ont été préparés
à l’usine de Levallois-Perret, siège de l’entreprise Eiffel.
Chacune des 18 0 pièces est dessinée et calculée, avant d’être
tracée au dixième de millimètre et d’être assemblée par éléments
de 5 mètres environs. Puis, sur le site entre 150 et 300 ouvriers,
encadrés par une équipe de vétérans des grands viaducs
métalliques précédemment élaborés, s’occupent du montage
de ce gigantesque Meccano®.
Le plus incroyable a été la vitesse-record de la construction
de la tour par rapport aux moyens rudimentaires de l’époque.
« Le montage de la Tour est une merveille de précision. », comme
s’accordent à le reconnaître tous les chroniqueurs de l’époque.
Commencé en janvier 1887, le chantier s’achève le 31 mars 1889.
Gustave Eiffel est décoré de la Légion d’Honneur sur l’étroite
plate-forme du sommet.
Un modèle réduit en acier de 30 cm de hauteur pèserait 7 g.
Dans le domaine de l’aéronautique, l’épopée des ballons
dirigeables marquera l’histoire de l’aviation. Ces « plus léger que
l’air » ont d’abord connu un développement pour des applications
militaires de bombardement et des missions de surveillance.







1| Construction de la Tou Eiffel, France, 1887–1889
2| Dirigeable « Akron », USA, 1931

Ils furent choisis pour leurs charges utiles transportables
incomparables pour l’époque. Mais leur gros défaut était
leur fragilité aux impacts de tir dû au gaz inflammable utilisé
(hydrogène). Ces dirigeables furent ensuite utilisés pour
du transport de marchandise, de courrier et de passagers.
Grâce à une très grande autonomie de vol (plusieurs
milliers de kilomètres), ils ont pu ef fectuer des vols
transatlantiques, ou des vols longues distances à travers
les continents. Mais les avantages des ces « cigares
volants » furent aussi techniques. L’essor de la métallurgie
en aluminium a été dynamisé par ces constructions de structures
gigantesques, parfois plus grand que la hauteur de la statue
de la liberté de New York (245 m).
Les multiples essais du comte Von Zeppelin et de ces
prédécesseurs ont permis d’expérimenter la construction
en aluminium. Ces recherches de struc tures f urent
utilisées pour la conception de nombreux aéronefs dans
les décennies qui suivirent. De plus, la construction de hangars
suffisamment grands pour abriter de tels engins permis
d’accroître les connaissances architecturales de l’époque.
Mais l’utilisation de l’hydrogène fut le plus gros défaut
des zeppelins. Le drame de la catastrophe de l’Hindenburg,
l’un des plus grands dirigeables transatlantiques de l’époque,
marquera durablement l’histoire des dirigeables et en signera
l’arrêt commercial.

2122 De 1940 à nos jours.

Dans le domaine de l’architecture, la répercussion du développement
massif des matériaux plastiques durant les Trentes
Glorieuses a influencé un certain nombre de mouvements.
Tirant parti des qualités mécaniques exceptionnelles des fibres
armées, des textiles enduits et des membranes gonflables,
on a vu naître une architecture d’un nouveau genre constituant
une alternative face à la construction lourde qui s’est imposée
avec le style international.
Les ponts suspendus et constructions en treillis métalliques
avaient déjà donné quelques exemples de prouesses
de l’architecture affranchie de la pierre et des lourdes colonnades,
mais c’est véritablement avec l’apparition des toiles enduites
de PVC, de la fibre de verre et du polyamide que l’architecture
mécano textile connaîtra son essor. Les édifices en structures
tendues nécessitent, comparativement aux constructions
classiques, infiniment moins de matières pour une couverture
équivalente et pèsent jusqu’à cent fois moins au mètre carré.
Les procédés de construction sont allégés, la main d’oeuvre
nécessaire est réduite et la durée des chantiers est raccourcie.
C’est grâce à ces nouveaux matériaux que les bâtiments
en structures tendues ont pu rivaliseret même dépasser le bâti
traditionnel dans de nombreuses applications.
Au-delà des expériences précédentes, c’est véritablement
l’Exposition Universelle de Montréal de 1967 qui marque le coup
d’envoi de la structure tendue dans le bâtiment. Deux pavillons
se démarquent de l’ensemble par la légèreté et la transparence
de leurs structures : celui des Etats-Unis, et celui de l’Allemagne.

Respectivement construits par Buckminster Füller et Frei
Otto, ils représentent l’aboutissement des recherches menées
par ces deux pionniers de la bionique. S’inspirant tous les deux
de modèles naturels, souvent microscopiques, ils mettent
au point des constructions aux courbes organiques et aux structures
ciselées.
Les dômes géodésiques de Füller dont il est le spécialiste
font alors références en matière de constructions rapides et
de couvertures auto-portantes. Ils sont le résultat de recherches
entamées dès la fin des années 30 sur des systèmes d’habitats
légers et transportables par avion que l’armée américaine adopte
à la fin des années 50 pour la construction de hangars et
d’usines aux quatre coins du monde. Si celui de Montréal frappe
par ses dimensions monumentales, d’une hauteur de 61 mètres
(20 étages) et d’un diamètre de 76 mètres, c’est la rapidité
d’exécution alliée à leur solidité et leur légèreté qui constituent
leur véritable atout.
Comme dans tous les dômes de Füller, grands ou petits, on
utilise des unités tridimensionnelles, soit un côté triangulaire
à l’extérieur, un hexagone à l’intérieur, le tout ajusté pour former
un arc comme base structurelle. En joignant toutes les unités
ensemble, le poids total de la structure est distribué sur toute
la surface. Afin d’éviter l’habituel demi dôme dont l’apparence
est trapue, les concepteurs du pavillon ont opté pour une sphère
trois quarts qui s’ajustait admirablement au site.
Ce fut le plus compliqué de ces dômes. Il utilisait un système
associé à des écrans solaires af in de contrôler
la température ambiante. Un ordinateur se chargeait d’ajuster
chacun des écrans en fonction des rayons solaires. Par ailleurs,





1| R. Buckminster Füller
« Pavillon des USA », 1967
2| Frei Otto
« Pavillon de l’Allemagne », 1967

les parois extérieures étaient teintées ce qui donnait une allure
remarquable au canevas métallique.
Les surfaces minimales voient leur apogée dans les années
60 et 70 avec les recherches et les réalisations de l’architecte
allemand Frei Otto : le pavillon de l’Allemagne à l’exposition
universelle de Montréal (1967) ; la couverture du stade
olympique, du stade d’athlétisme et de la piscine olympique
de Munich (1972). La forme de ces structures résulte
de recherches tout à fait empiriques basées sur la géométrie
de films de savons s’appuyant sur des contours déterminés.
Poussant le principe de la double courbure aussi loin que
les techniques de modélisation de l’époque le permettaient,
Frei Otto et son équipe développent un nouveau type
d’architecture qui emprunte à l’architecture navale ses câbles,
ses accastillages, ses gréements, ses manilles et ses voilures
légères.
Le pavillon de l’Allemagne de l’Ouest pour l’Exposition
Universelle de 1967 représente les compétences techniques
de Frei Otto et de son agence.
L’élégante tente avait pour but de couvrir l’espace d’exposition
du pavillon. Quoique l’architecte ait mis plusieurs années pour
développer son concept, seulement 6 semaines suffirent pour
le monter. Son système consistait en un énorme filet d’acier
suspendu et fixé à huit minces mâts de tailles variées et également
faits d’acier. Les mâts étaient situés à intervalles irréguliers et
étaient supportés par des câbles d’acier ancrés à l’extérieur
de la structure. La surface couverte par le pavillon était
équivalente à un bloc de maisons. Quant au filet du toit, il était
retenu par des haubans et couvert d’une peau de plastique

translucide. Toutes les composantes de la tente furent réalisées
en Allemagne.
La structure répondait de manière adéquate à la double
contrainte esthétique et financière. Du moins, c’était une manière
élégante d’éviter la tyrannie du « cube » qui a su créer
un espace intérieur beau et unique. L’espace intérieur était éclairé
par le soleil à travers la pellicule plastique translucide et
à travers des ouvertures aux formes irrégulières dans le plafond.
En ce qui concerne les coûts, la construction fut onéreuse parce
que les matériaux furent produits en quantités limitées.
La structure avait toutefois beaucoup de potentiel. Ce toit
de plastique et d’acier ne pesait que 150 tonnes, soit entre un
tiers et un cinquième du poids d’une structure équivalente
employant des matériaux traditionnels. Le concept de tente
possède la flexibilité de pouvoir s’adapter à la topographie irrégulière
de n’importe quel site. Ce concept fut repris, à une plus
grande échelle, pour recouvrir la piscine aux Jeux Olympiques
de Munich en 1972.
Ces exemples d’architecture ou de constructions industrielles
montrent bien la fascination de l’homme pour les structures
géantes. La volonté de « faire grand » rejoint les nécessités
économiques du « faire à moindre coût ». Cette équation
tend vers l’optimisation des ossatures métalliques. Les défis
technologiques représentés par de telles armatures ont permis
l’essor d’une architectonique propre à ce siècle. Personnellement,
je reste captivé et contemplatif face à de tels squelettes
de métal. Il en ressort un aspect majestueux lié à la domination
de la gravité et aux diverses forces de tension mises en jeu.

22 Forme légère.

Parmi les différents langages de la légèreté, faire une forme
légère relève de beaucoup de subtilité. Le détail prend toute
son importance. La proportion, les épaisseurs, un congé
de raccord de forme, un angle, une disproportion, un changement
d’échelle, une transparence ou simplement un point
de vue deviennent alors les éléments dénominateurs d’un projet.
Travailler une forme légère, c’est faire la synthèse de nombreux
paramètres parfois contradictoires. Cet exercice doit retranscrire
la volonté du créatif envers l’image de son produit.
Les projets diffusés par l’éditeur Jérôme Lart, via sa société
« Industrielle » illustrent assez bien cela. Il a su concilier
des caractéristiques comme la tension, la légèreté du carbone
et du fils d’acier. Ces structures « 12quatorze », « 10douze »,
« 8dix » et « 4six » sont de simples tubes de carbones
télescopiques et flexibles qui se déploient entre sol et plafond
et s’adaptent à toutes les situations, structurant l’espace en
une sorte de forêt intérieure. Des déclinaisons sont ensuite
venues apporter une valeur d’usage à ces projets. Par exemple,
« Soliflore » permet de présenter une ou plusieurs fleurs
en massif à des hauteurs différentes. « Portant » permet
de présenter sur un cintre des vêtements dans un show room
ou une vitrine, avec ou sans fond. « 20 ; 13 » est un vase
en porcelaine de Limoges qui utilise ces mêmes tubes
télescopiques. « Paravent » permet de suspendre tout type
de tissu ou de papier de dimensions différentes. Il peut être utilisé
comme rideau, baldaquin ou paravent. Il peut séparer une pièce
ou bien mettre en valeur des objets dans une vitrine.
Contrairement aux structures habituellement utilisées





1| Jérome Lart « 12quatorze », 2000
2| Jérome Lart « Hook », 2000
3| Jérome Lart « Foto », 2000

pour découper l’espace, les struc tures en carbone
de Jérôme Lar t n’obstruent ni la vue, ni le passage.
Elles invitent au cheminement. Calées entre ciel et terre,
elles constituent un filtre diffus qui laisse passer l’air et
la lumière. Courbe reliant les deux extrêmes, le bas et
le haut, elles marquent un lien, une continuité entre le sol et
le plafond. Leurs flexibilités relèvent la tension contenue,
l’énergie emmagasinée dans une simple tige. Ces constructions
délicates traduisent dans les espaces intérieurs, une idée
d’éphémère et d’équilibre précaire comme le balancier
d’un funambule au-dessus du vide.
À peine esquissée, cette courbe dessine un objet quasiment
impalpable. À la manière d’une ponctuation, elle vient rythmer
l’espace. La courbe tendue de la tige et le flottement du tissu,
dans le cas de « Paravent », se répondent comme le feuillage
et le tronc d’un arbre créant au sol une légère ombre portée.
Il y a dans le recours à la courbe tendue, un rapport à l’essentiel,
une volonté de limiter la structure au minimum et la forme
à sa plus pure expression. C’est, au sens propre comme
au sens figuré, une recherche sur la légèreté : user du minimum
de matière pour assurer la fonction, choisir la forme la plus
simple pour communiquer le sens.
Il s’agit de la même démarche pour les objets en fil de fer
de Jérôme Lart. « Foto » est un fil d’inox qui permet de présenter
une ou plusieurs photographies de formes et de dimensions
différentes. Il s’agit d’une simple mise en forme de ce fil d’inox qui
se met en tension lorsqu’on l’accroche les spires des extrémités
au papier photographique. Dans le même principe, « Hook »
permet de fixer sur de nombreux supports une ou plusieurs
photos entre ses spires. Dans la même lignée, le trombone « 38 »
de Reno Soupiot est une double spirale qui permet de fixer





1| Reno Supiot « 38 », Éd. Industrielle.
2| Reno Supiot « Lampadina », Éd. Industrielle.
3| les frères Bouroullec « Algue », 2004.

plusieurs feuilles ensemble, de les superposer, il peut être
plié pour ainsi créer de nouvelles connections. Chez le même
éditeur, Reno Soupiot a aussi créé « Lampadina », il s’agit
d’une source lumineuse nomade réduite au strict minimum
(pile bouton, LED, fils d’inox). Elle peut baliser une terrasse,
un jardin, elle rassure dans l’obscurité, décore et colore
une table. Elle peut être fixée sur un mur grâce à un adhésive
double face.
Les objets édités par « Industrielle » sont le reflet d’un intérêt
pour l’économie de moyen. Le résultat est d’une subtile légèreté,
il traduit d’une tension poétique entre usage et simplicité.
Ces créations sont minimales en terme d’inter vention :
« faire un maximum avec peu de matière », « être simple mais
efficace ». Ce qui m’intéresse ici c’est l’aisance de la manipulation
de la matière afin d’atteindre le but (l’usage) fixé par
un cahier des charges concis et précis.
Une autre manière de concevoir une forme légère est
de créer un élément simple, mais qui fait partie d’un ensemble
formé par la répétition de ce même élément, à la manière
de la géométrie fractale. Ainsi, « Algues » des frères Bouroullec
est un élément en plastique injecté qui possède plusieurs
solutions d’assemblage à ses extrémités. Combinées et
assemblées en grand nombre, ces pièces deviennent parties
d’un tout qui peut être une séparation de l’espace, un rideau,
ou une mise en scène de l’espace intérieur. Un peu comme
le permettent les briques de Légo®, ce genre d’objet
a un potentiel créatif passif très valorisant pour l’utilisateur
qui peut alors éprouver les très nombreuses combinaisons
possibles. Elle laisse le libre choix de la structure ou du montage
final, il suffit d’avoir suffisamment d’éléments pour satisfaire
ses envies. Et si par hasard, on se lasse de sa construction,
rien n’empêche de tout démonter et de reconstruire un autre
module. Cette liberté d’utilisation confère à une simple
« brique » (élément de base) un pouvoir de composition énorme.
C’est avec ce genre de simplicité que la nature et ensuite
l’homme ont su concevoir des structures complexes : pour
l’un, assemblage de molécules ou d’atomes pour engendrer
des éléments allants du minéral à l’animal ; et pour l’autre
des constructions architecturales élaborées à partir de simple
brique de terre cuite ou d’élément métallique rudimentaire.

3 L’esthétique du trombone.
31 Transfert de technologie.

Dans la conception d’un objet, l’utilisation détournée d’un matériau
issu d’un domaine comme celui de l’industrie (aéronautique,
bâtiment, isolation…) permet de donner une nouvelle lecture
des objets du quotidien. Le designer par ces différentes
connaissances transversales peut ainsi s’appliquer à des transferts
de technologie. Le détournement d’usage de matériaux
a souvent fait l’objet de création d’objets pertinents et
novateurs.

311 Masayo Ave.

Par exemple, la designer Masayo Ave utilise une mousse
industrielle polyéthylène « open cell » utilisée pour la filtration
industrielle, et en fait un canapé. Elle interroge à la fois l’usage
et l’archétype du mobilier. La notion de confort est alors
propre au matériau choisi. Les caractéristiques, la densité
de cette mousse lui permet de jouer sur un aspect visuel
contradictoire. Ce volume parallélépipédique et massif,
apparemment peu accueillant, ne renvoie pas l’image du confort
et de la légèreté qui le caractérise. Ce paradoxe nous interroge, et
c’est à l’usage que la surprise arrive. En effet, grâce à une hauteur
bien proportionnée, le confort est au rendez-vous. L’assise
est ferme et souple à la fois. La légèreté du matériau autorise

une manipulation aisée, un enfant peut le déplacer. « Block » n’est
plus une masse trônant au centre du salon, mais il devient un élément
modulable pouvant être déplacé dans un habitat contemporain
où les limites entre les différents espaces deviennent floues.
On peut passer de la chambre au salon aisément en prenant
à bout de bras ce bloc monolithique. Il peut aussi être utilisé
à l’extérieur car il ne craint ni l’eau, ni les intempéries.
Sa modularité est accentuée par une déclinaison en plusieurs
tailles du module. Les différentes tailles se combinent soit
en canapé, soit en lit, suivant ainsi les envies de l’utilisateur.
Ici, la légèreté est associée à une simplicité d’usage.
312 Droog design & Marcel Wanders.
Droog Design semble être aussi très intéressant. Les différents
designers qui ont collaborés avec Droog jouent avec cette sensibilité
que je qualifierais de « légèreté créative ».
Le travail de Marcel Wanders avec la porcelaine démontre
son intérêt pour une utilisation non conventionnelle
de ce matériau.
Pour son vase « Egg », le moule est fait en bourrant un préservatif
avec des oeufs. Moulés dans la porcelaine blanche,
les objets résultants sont parfaitement organiques et hygiéniques,
car la forme fertile des oeufs se serre contre la gaine protectrice.
Le vase qui en résulte a une forme aléatoire malgré un procédé
de fabrication utilisé couramment dans la moyenne et grande
série.





1| Marcel Wanders « Vase Egg », 1997.
2| Marcel Wanders « Foam Bowl », 1997.
3| Masayo Ave « Block », 2000.

Pour le projet « Foam bowl », il plonge une éponge naturelle dans
de la barbotine de porcelaine très liquide. Après un passage
au four de cuisson, la matière organique de l’éponge par
en fumée, laissant uniquement la porcelaine. Le résultat est dur et
solide, c’est un objet rigide mais avec un corps totalement poreux
à l’aspect fragile.

313 Transfert,
une attitude propre au designer ?

Ces exemples illustrent bien la notion de transfer t
de technologie. Avec toutes les connaissances qu’il peut
accumuler, glaner, le designer mixe ses différentes références
techniques, technologiques et culturelles. Je veux dire par là :
le tour de main pour faire un cake peut servir pour concevoir
un objet moulé, connaître la forme et l’usage d’un sac
de chasse des Indiens d‘Amazonie peut aussi servir pour concevoir
de la bagagerie de luxe, connaître les équations complexes,
les mathématiques appliquées, la musique expérimentale,
la cuisine, le sport, l’ethnologie, l’entomologie, la biologie,
la magie, son voisin, son quartier, la sociologie, l’injection
plastique, l’aéronautique, le foot, la forêt… [liste non
e x haustive] peut per met tre un jour de concevoir,
en détournant ou non, un objet. Cette transversalité du design
est une de ces forces. Elle peut être déconcertante mais
elle permet de s’affranchir des stéréotypes et des conventions.
Parfois, par le fait d’un certain hasard, un projet peut
émerger. Il faut alors exploiter cette émergence pour aboutir
éventuellement à un projet. Mais il faut aussi savoir provoquer
le hasard par des recherches, des visites de salons, d’usines,

d’artisans, d’atelier, de musées. En fait, la curiosité est
le principal atout du créateur.
Et la légèreté dans tout ça ? Elle vient justement de cette
liber té de manipulation entre concept et réalisation.
Opérer à un transfert de technologie, c’est avoir la légèreté,
la liberté de jongler avec des univers différents. Ne pas se laisser
écraser par le poids de telles ou telles disciplines, mais créer
des ponts entre elles, opérer un aller-retour constant entre ces deux
domaines comme une sorte de ping-pong où chaque joueur y trouve
son intérêt. Je trouve que la force qui se dégage de tels objets
est d’autant plus grande que les champs qu’ils mettent
en relation sont distants les uns des autres.
32 Interventions malignes.
(avec les moyens du bord)
Je voudrais parler ici de ces choses qui semblent évidentes
au premier abord, mais qui résulte d’une création méticuleuse
et astucieuse. Une critique des processus industriels peut
permettre d’obtenir des objets et des matières inattendus.
Tejo Remy a travaillé sur des accumulations non-conformistes
qui bouleversent les modes de représentation embourgeoisés
du design d’édition.
En effet, la chaise « Rag chair » est un assemblage artisanal
de fripes en forme de chaise, maintenue par des cerclages
métalliques. Cet artefact de chiffons usagés nous interroge sur
la surconsommation de notre civilisation et sur les problèmes
environnementaux.

Pour sa commode « Chest of drawers », il s’agit de tiroirs récoltés
parmi les encombrants laissés dans la rue, puis assemblés
simplement par une sangle. Ce processus créatif permet
le développement d’une production différenciée car, en effet,
chaque commode est différente. Tejo Remy interroge ici avec ironie
la production de série de forme aléatoire ainsi que le mode
de fabrication à partir de rebut de la société de consommation.
Le cas des frères Campana relève de la même problématique
soulevée par Tejo Remy. Ils travaillent l’accumulation
de matériaux et leurs détournements. Des matières simples et
pauvres comme la corde ou le tuyau d’arrosage sont valorisées
par leur mise en forme et par une recherche esthétique.
Ainsi, un amas de coupons de tissus dépareillés deviennent
une assise, des morceaux de bois récupérés se transforment en
un conglomérat aux allures de fauteuil, une simple armature
métallique est recouverte au choix de tubes plastiques,
de cordage, de peluches pour devenir un fauteuil…
Tous leurs projets sont un hommage à l’ingéniosité des habitants
des favelas, aux pratiques vernaculaires, qui, à une autre échelle
et avec d’autres moyens, réutilisent les matériaux récupérés
pour subvenir à leurs besoins. Mais, je pense que la limite est
atteinte par une telle démarche. Il est irritant de voir appliquer
à ces codes de la précarité une dimension bourgeoise liée
à l’édition de mobilier de prestige. Les habitants des favelas
n’ont pas de démarchent commerciale quand ils conçoivent
ce type d’objet, c’est une nécessité liée à leur précarité, mais
cela n’empêche pas qu’il peut y avoir une recherche esthétique
dans le cas de certaines fabrications.


1| Tejo Remy « Chest of Drawers », 1993
2| Tejo Remy « Rag Chair », 1993
3| les frères Campana « Favela », 1991
4| les frères Campana « Sushi », 2002


Ces deux modèles font référence à la formule anglaise
« Do It Yourself ». Ils posent un regard critique sur les moyens
de production actuels. Ici la légèreté se traduit dans l’impact
sur l’environnement parce que recyclant des produits manufacturés
ou des matières premières, mais aussi dans la simplicité
de la création. Cette capacité d’observation et de détournement
permet de créer très naturellement des projets manifestes.
Ces deux exemples interrogent aussi sur le plan de la production
d’objet non-standard. En détournant les outils traditionnels
de l’industrie du meuble, ces créateurs ont su introduire
une part d’aléatoire dans l’objet, tout en contrôlant son aspect final.
D’un fauteuil à l’autre, la forme reste la même, mais les détails
changent. La complexité des formes entrelacées, superposées
est au-delà du contrôle de l’homme et de la machine
sur la matière qui abandonne ce droit à la pesanteur et
au hasard.
La légèreté du processus créatif et de fabrication permet
de générer des objets réalistes et utiles qui peuvent répondre
à des besoins très ponctuels et précis, comme le sont les objets
auto-produits avec les moyens du bord. Exit donc l’inertie et
la lourdeur de l’industrie de masse, ces objets sont uniques,
rapides à faire, en rapport avec leur environnement et
leur usage.
Mais, aussi louables soient leurs intentions, ces deux exemples
adhèrent à une démarche commerciale que n’aura jamais
un particulier face à son auto-production. Il y a donc une certaine
contradiction à vendre ce que n’importe qui pourrait construire
lui-même avec un peu d’imagination.

33 Interventions poétiques.

La maîtrise du geste et de la forme est essentielle pour
la réalisation d’un objet ou d’une oeuvre légère. Autant dans
le design que dans le domaine de l’art, la sensibilité du créatif
doit être fine et précise afin de retranscrire sa volonté.
La légèreté se trouve aussi dans l’éphémère, l’instable
et le minimalisme. Les démarches d’artistes plasticiens,
sculpteurs contemporains tendent vers cette même interrogation
sur la légèreté.
Les oeuvres éphémères d’Andy Goldsworthy sont toutes
empreintes de tensions et d’instabilité. Il travaille uniquement
avec des matériaux naturels et très souvent en extérieur
(neige, glace, feuilles, terre, tiges, galets, bois flotté, fleurs…).
Il conserve la trace de son travail par des photographies couleurs
dont beaucoup sont accompagnées de titres sous forme
de légendes expliquant la genèse de l’oeuvre. Son intention n’est
pas « d’apposer sa marque » sur le paysage mais de travailler
instinctivement avec lui, pour que ses créations manifestent,
même brièvement, un contact en harmonie avec le monde
naturel. Les échelles de durée de ces oeuvres sont très variables.
De quelques secondes pour les lancers de cendre ou de neige,
elles peuvent durer le temps d’une averse pour les « ombres » :
il s’allonge sur le sol au début d’une averse afin d’y laisser
une empreinte, « ombre » sèche quand il se relève ; ou encore
le temps d’une marée pour ses cairns au bord de la mer…
Mais toutes les oeuvres de Goldsworthy sont d’une intensité et
d’une légèreté déconcertante. Son travail évoque l’accumulation,
l’équilibre, la tension, l’aléatoire, la persévérance, la rigueur,

la méthodologie, la spontanéité, l’improvisation, l’introspection,
l’observation du contexte.
Ici, c’est la notion d’éphémère, une temporalité concise,
qui traduit une légèreté face à la conception, une certaine
délicatesse lors du processus de création. Du fait de sa précarité
temporelle, l’objet ou l’oeuvre devient peu « impactant »
pour son environnement car ce dernier est préservé, il reste
intact. L’oeuvre de Goldsworthy intègre donc les différents cycles
de la nature, « naissance, vie, mort, recyclage ».
Cette justesse est liée au geste ; la maîtrise du corps est
importante et permet de révéler le détail, le soupçon à ajouter
ou à enlever. Je veux parler ici de précision réfléchie, de finesse
dès le premier geste, comme le fait le calligraphe japonais :
après une phase d’introspection et de méditation, il « pose »
son idéogramme quasiment en un souffle.
Mais dans certains cas, l’instantanéité apporte une force,
une autre dimension grâce à l’improvisation. On retrouve alors
les notions d’utiliser les moyens du bord, mais à une échelle
différente.
J’aime beaucoup ce type de travail qui intègre le milieu dans
lequel il se trouve, les moyens appropriés, et les concepts
qui s’adaptent au mieux à l’environnement et une temporalité
donnée.

Andy Goldsworthy
1| « Ombre », 1996
2| « Lancé de cendres », 1999
3| « Stone », 1994

4 Conclusion.

Les limites de la légèreté.
Notre système nerveux est calibré pour évoluer dans un milieu
soumis à la force de gravité. Un monde d’objets légers, voir
plus léger que l’air serait contraire à nos habitudes. L’industrie
produit des objets en matériaux légers par soucis d’économie
de matière. Mais on remarque que certains objets ont besoin
de poids pour leur bon fonctionnement. Les fabricants d’électroménager
lestent même les machines à laver pour ne pas qu’elles
se promènent dans la maison durant l’essorage.
A contrario, faire d’un objet conventionnel massif comme
un canapé, un objet trop léger relève de l’absurde.
« Certes la mobilité du canapé est accrue, mais combien
de temps dans sa vie de canapé, on va passer à le transporter ? »
s’exclame le designer Philippe Costard lors de notre entretient.
La question de l’identité et de la fonction de représentation
de l’objet peut être remise en cause par sa légèreté.
L’objet léger a donc ses limites au-delà desquelles le rapport
poids-performance ne fonctionne plus. Mais tous les objets
ne sont pas logés à la même enseigne. Il y a des familles où
la quête de la légèreté est une histoire de longue date comme
le domaine des transpor ts, l’automobile, l’emballage.
Récemment, l’industrie de l’emballage a réduit les épaisseurs
de ces produits de quelques centièmes de millimètre afin
d’économiser plusieurs tonnes de matières premières.

La variation du rapport entre poids et performance s’effectue
en fonction d’une orientation du projet ou du marché, entre
l’esthétique du léger ou la nostalgie du massif par exemple.
Mais dans d’autres domaines, ce rapport n’a plus la même
signification, notamment dans le domaine de l’électronique.
Grâce à la miniaturisation des composants, l’enveloppe
extérieure de l’objet ne correspond plus à sa fonction initiale.
On peut lui rajouter des fonctions grâce à ce gain de place. Ainsi,
on voit apparaître des objets multi-fonctionnels qui compilent
parfois plusieurs objets en un seul. Aujourd’hui, on pourrait
même penser à un objet électronique rassemblant toutes
les fonctions numériques actuelles (téléphone, appareil photo,
disque dur, lecteur de musique et de vidéo, caméra, prise
de son, agenda…), mais les industriels préfèrent encore garder
cette diversité pour conserver leurs parts de marché respectives
et fournir aux utilisateurs des objets dédiés à une application
mais de façon très performante.
Malgré tout, la tendance est à l’augmentation des fonctions pour
un encombrement similaire, voir plus petit. L’objet « intelligent »
n’est plus seulement léger en poids à proprement parler, il l’est
surtout par le nombre de fonctions qu’il remplit par rapport
à son poids.
Les habitudes culturelles ont aussi leurs importances dans
la conception d’objets manufacturés. En effet, la solidité et
la fiabilité des produits allemand ne relève pas du mythe.
Les performances et la maîtrise de la miniaturisation
de l’industrie électronique japonaise reste une marque
de fabrique de l’empire du Soleil Levant.
Quand j’ai interviewé Masayo Ave, elle m’a fait remarquer
les différences entre la culture japonaise et les habitudes
allemandes tant dans le design des objets que dans sa vie
quotidienne depuis qu’elle réside maintenant à Berlin.



Bibliographie.

« Your private sky. », monographie, Sir R. Bukminster Füller,
Ed. Lars Muller Verlag, 1999.
« La matière de l’invention. », de Ezio Manzini, Ed. Centre
Georges Pompidou, 1989.
« Massive change. », de Bruce Mau and the Institute without
Boundaries, Ed. Phaidon, 2004.
« Il 32, lightweight structures in architecture and nature. »
exposition « Natural structures. », Moscou 1983.
« Skin : surface, substance + design. », de Ellen Lupton,
Ed. Laurence King, 2002.
« Biomimicry : innovation inspired by Nature. » de Janine Benyus,
Ed. William Morrow & Co, 1997.
« L’invention des formes. », de Alain Boutot, Ed. Odile-Jacob,
1993.
« La loi constructale. », de Sylvie Lorente, Ed. L’Harmattan,
2005.
« Une théorie explique l’intelligence de la nature. », de Hervé
Poirier, revue Science & vie, n° 1034, novembre 2003

« Archigram, a guide to archigram 1961-74. », Ed. Academy
Editions, 1994.
« Utopies réalisables. (nouvelle edition) », de Yona Friedman,
Ed. L’éclat, 2000.
« Design in steel. », de Mel Byars, Ed. Laurence King, 2003.
« Aluminium by design. », de Sarah Nichols, Ed. Abrams, 2000.
« Ronan et Erwan Bouroullec. », monographie, Andrea Branzi,
Rolf Fehlbaum, Issey Miyake, Ed. Phaidon, 2003.
« Ultra light, super strong. », de Nicola Stattmann, Ed. Birkhäuser
Verlag AG, 2003.
« Le temps, Andy Goldsworthy. », chronologie par Terry Friedman,
Ed. Anthese, 2001.
« L’homme symbiotique. », de Joël De Rosnay, Ed. Seuil, 1998.
Interview.
•Pierre-Yves Duchesne, desinger ancien élève de l’ENSCI/
Les Ateliers, Paris, 2005.
•Masayo Ave, architecte et designer japonnaise, enseignante
à l’Université d’Art de Berlin, 2005.
•Philippe Costard, designer, enseignant à l’ENSCI/Les Ateliers,
Paris, 2005.

Webographie

www.canal-u.education.fr/canalu/chainev2/utls/
>conférences scientifiques en lignes.
www.airairarchives.com/
> banque de données « Inflatable architecture, art, design ».
www.biomimicry.net/
> site explicatif et banque de donnéessur le biomimétisme.
www.industrielle.fr
> éditeur d’objets.
www.inflate.co.uk/
>designers anglais spécialisés dans le gonflable.
www.campanabrothers.com
>designers brésiliens.
www.bouroullec.com/
>designers français.
www.droogdesign.nl
>site de la fondation.
www.macreation.org
>designer japonnaise.

www.enseeg.inpg.fr/
>école d’ingénieur, sciences des matériaux.
e-drexler.com
>site personnel de E. Dexler sur les nanotechnologies.
www.cite-sciences.fr/
>site du musée et base de données sur les sciences
des matériaux.
waynesword.palomar.edu/plfeb99.htm
> Blowing In The Wind,Seeds & Fruits Dispersed By Wind,
base de données sur les graines volantes.
fr.structurae.de
>galerie et base de données internationale d’ouvrages d’art.
www.tour-eiffel.fr
>site officiel de la Tour Eiffel.
www.buckminster.info/index.html
>Buckminster Füller Virtual Institute
www.shigerubanarchitects.com
>site officiel de l’architecte.
www.calatrava.com
>site officiel de l’architecte.
www.constructal.org
>site sur la loi constructale, explications et articles
scientifiques.

Remerciements.

Directeur de mémoire : Nicola Borg Pisani
et en vrac : Antoine Boilevin, Romain Thévenet, David Gauquelin,
Maurin Donneaud, Pierre Lambert, Félix Compère et Alexandre
Lepeu, Dominique Averland, Véronique Eicher.
 
Mémoire de fin d'études à l'ENSCI/Les Ateliers de Mathieu Muin.

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septembre 2006 /


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